../s3_ae.gif Groupe de Chasse I/6. Base Aérienne de Lognes-Émerainville (Partie II : 30-5-40 ; 4-6-40). Opération Paula. Documents : Lieutenant Jacques Jolicoeur, Sergent Gaston Cima, Jacques de Lestapis, SHAA (SHD) Vincennes, etc. B. E. R.Cima ©2003-2015.
Résumé

Résumé des documents précédents

Ce document est dédié à la mémoire de notre père, Gaston Cima_, mécanicien au Groupe de Chasse I/6 en 1940.

Dans le texte, les notes «JJ» correspondent à l'historique écrit par le Lieutenant pilote Jacques_Jolicoeur du GC I/6 et les notes «GC» correspondent à l'historique écrit par le Sergent mécanicien Gaston_Cima.


Carte bases

État au 30 mai 1940

Entre décembre 1939 et mai 1940, le Groupe de Chasse I/6, stationne successivement sur les bases aériennes de Marignane_, Chissey_, Berck_, de nouveau Marignane_, puis Lognes_ où il est affecté à la ZOAN (Zone d'Opérations Aériennes du Nord) et plus particulièrement au Groupement 23, en couverture de la VIIe Armée.

À Lognes, le GC I/6 est engagé pour la première fois dans des actions de guerre. Confronté à l'aviation allemande, plusieurs de ses pilotes sont tués. Il perd aussi un grand nombre de ses Morane MS406, dont il est doté.


Défense de Paris

31 mai. Défense de Paris

JJ. «Le 31 mai, le Groupe de Chasse I/6 reçoit 7 Morane 406 en recomplètement de son matériel.
L'état d'alerte permanent impose au personnel des fatigues considérables. Pilotes et mécaniciens sont au repos de 22h ou 22h30 à 3h30 environ.
Jusqu'à 22h ils sont absorbés par la rédaction des compte-rendus, la mise en état des appareils et leur dispersion ; ils doivent ensuite prendre leur repas avant d'aller se coucher. À l'aube, ils doivent tenir les appareils prêts au départ.
À toutes ces tâches viennent s'ajouter les soucis de défendre le terrain [au sol] de jour et de nuit contre les attaques des bombardiers ou des parachutistes ou contre des débarquements ennemis. Certains pilotes arrivent ainsi à totaliser 11h30 d'alerte dans la même journée.»

Le terrain d'aviation de Lognes, en 2015, (terrain civil, en gris sur le plan) est situé 500m au Sud du terrain de 1940 (en orange). Ce dernier a été déplacé lors de la construction de l'autoroute A4 et de la route «Francilienne» (en bleu foncé).

Ce déplacement et l'urbanisation ont occasionné une refonte presque totale du tissus routier et, en 2015, seules quelques rares portions des routes de 1940 (en orange foncé) sont toujours visibles.

Par contre, à peu de choses près, les orées des forêts alentour n'ont, elles, pas changé de forme.

Abris 1914-1918

En 1940, deux abris ("A" sur la carte) datant de la Grande Guerre ont été utilisés pour loger les pilotes afin que ces derniers soient rapidement opérationnels, en cas d'alerte. À notre connaissance, il n'en existe plus de traces.

JJ. «Le Commandant de Groupe doit même, certaines nuits, faire coucher son personnel sur le terrain. Non dévêtus, pilotes et mécaniciens passent alors la nuit la main sur leurs armes ; à chaque bruit de moteur, tout le monde est debout.»

Cette photo montre l'abri (Nord) 1914-1918, qui sert alors de PC et de cantonnement pour le personnel naviguant du GC I/6. On peut y voir le Capitaine tchèque Kulhaneck_ (assis au centre) conversant avec le S/Lt Raphenne_ (debout, de dos).

Clic : précisions sur l'abri


JJ. «L'aviation ennemie survole d'ailleurs constamment le terrain. Le Groupe fournit sur alerte :
6 sorties le 31 mai.
3 sorties le 1er juin ; un Do17 est pris à partie par la Défense Contre Aéronefs, sans résultat ;
9 sorties le 2 juin.
Nombreux survols à haute altitude. Effort inutile demandé au personnel et au matériel ; la lenteur des transmissions des services de guet annihile l'efficacité des patrouilles qui, lancées contre les nombreux avions ennemis opérant des reconnaissances, n'en rencontrent pas un seul !»

Opération «Paula_»

3 juin. Opération allemande «Paula_» contre Paris

Opération Paula_

Cette opération aérienne allemande consistait à neutraliser l'ensemble des forces aériennes françaises en bombardant massivement les aérodromes et les usines de production aéronautique de la région parisienne. L'opération est mise en oeuvre le 3 juin 1940.

Les autorités françaises connaissaient l'imminence de l'opération Paula_. Ils en avaient été avertis par les services de renseignement anglais. En effet, ces derniers avaient décodé les messages allemands.

Ainsi, les autorités françaises savaient, aussi, quels aérodromes seraient bombardés. Celui de Lognes_ faisait partie de la liste. Certains auteurs notent que le GC I/6 n'en fut pas informé mais il ne fut, semble-t-il, pas surpris car tous ses avions en état de voler décolèrent pour intercepter l'ennemi.

Opération Tapir_

L’armée de l’air française met en place l’opération «Tapir_» (environ 250 chasseurs) pour contrer «Paula_».
Tapir_ aurait dû être un succès. Pour des raisons diverses il n'en fut pas ainsi.


Pilotes faces à «Paula_»

3 juin. Pilotes du GC I/6 faces à «Paula_»

Clic +/- Zones des combats
JJ. «3 juin. L'ennemi engage, sur la région parisienne, une puissante formation de bombardiers (plus de 200 appareils) protégée, à différentes altitudes, par une aviation de chasse très nombreuse. L'attaque se produit vers 13 heures.
Décollant sur alerte, le Groupe de Chasse I/6 tout entier (15 avions) se dépense sans compter et conjugue ses efforts avec ceux des Groupes voisins pour tenter d'intercepter et, si possible, de détruire un adversaire considérablement supérieur en nombre et en moyens.
Il livre de multiples combats aux bombardiers et aux chasseurs d'escorte (Me109 et Me110) et remporte quatre victoires (2 Me109 abattus par le S/Lieutenant Raphenne_ à Lagny_ et a Dammartin_, 2 Me110 abattus respectivement par le Lieutenant Janouch_ et le Sergent Hranecka_ au Bourget_). Mais les pertes sont lourdes.

Le Sergent-Chef de_Lestapis [MS406 n°431] est tué en combat aérien vers 13h30 à Montry_. (Clic +/- informations sur le MS406 n°431)Jacques de_Lestapis, neveu du pilote : « Le MS 406 n° de série 431, matricule militaire N-849, est réceptionné le 14 septembre 1939. D'abord livré au groupe de combat GC I/9, le 15 avril 1940, il est transféré le 21 mai 1940 à la deuxième escadrille du GC I/6 où il est codé sous le numéro « 25 ». Endommagé en combat aérien le 3 juin 1940, mais posé en état de vol dans un champ aux environs de Lagny_ (Marne) par le sergent-chef Jacques de_Lestapis, il est récupéré quatre jours après, soit le 7 juin. Après être passé dans les mains des mécaniciens, il reprend immédiatement du service opérationnel. Le 11 juin 1940, il est définitivement détruit à Connantre_, lors d'un atterrissage forcé (Sgt Standera_, blessé).»
Vers la même heure, le Sergent Popelka_ [MS406 n°693] est abattu et s'écrase au sol à Ozoir_la_Ferrière. Son corps enfoui profondément dans le sol sous les débris de l'avion ne sera retrouvé que deux jours plus tard et identifié par une chevalière que portait le pilote.
Le Sergent Jost_, nouvellement affecté au Groupe et qui se trouvait d'alerte ce jour-là, avait décolé au signal. Il est abattu blessé et parachuté, puis hospitalisé à Corbeil_.
Le Lieutenant Janouch_ [MS406 n°1022] et le Sergent-Chef Hranicka_ sont descendus et atterrissent indemnes, l'un à Villepinte_, l'autre au Bourget_ au milieu du bombardement de ce terrain. Ce dernier pilote a dû, à plusieurs reprises, arrêter son appareil en vrille, par suite de la perte du quart de son plan droit.»

Jacques de_Lestapis

Sergent-Chef Jacques de_Lestapis

Jacques, Marie, Jean de_Lestapis est né à Gamarde_ (Landes_) le 22 septembre 1914. Décédé à l'Hôpital militaire complémentaire d'Alembert_, à Montévrain_ (77144 Seine-et-Marne) le 3 juin 1940, à 16h45.
Mort pour la France en service aérien.
Aviateur, sergent-chef pilote, groupe de chasse GC I/6, 2ème escadrille, secteur postal 867.
Médaille militaire (à titre posthume), Croix de guerre 1939-1940, avec deux citations, dont l'une à l'ordre de l'armée.
Sans alliance, sans postérité.


Citation à l'ordre de l'Armée de Jacques de_Lestapis : «Brillant sous-officier pilote qui, bien que venu tardivement à la chasse, s'y est imposé par son cran, son ardeur combattive et sa précision. A participé à de nombreux engagements au cours desquels son appareil fut plusieurs fois touché par des projectiles ennemis. A trouvé la mort en combat aérien le 3 juin 1940 dans l'attaque qu'il menait seul contre un groupe de chasseurs adverses.»

Voici les deux dernières pages du carnet de vol du Sergent-Chef Jacques de_Lestapis sur lesquelles nous pouvons lire, entre autres :

G.C 1/6 2ème Escadrille.
3.6.40 Pilote MS406.431
Défense du terrain de Lognes_
Mort en service aérien commandé en attaquant une patrouille de Me-110. [NDA : Il en aurait endommagé un, d'après «Collection Histoire de l'Aviation n°5 : le Morane-Saulnier MS406. Edition LELA Presse»].
Mort au champ d'honneur à proximité de Lagny_ (Seine et Marne).


Dans ses archives le Lieutenant Jolicoeur_ écrit, à propos de la fin du combat aérien mené par le Sergent-Chef :
JJ. «Atteint de 2 balles au poumon et d'une balle dans le foi, le Sergent-Chef de_Lestapis atterrit normalement, fait assurer la garde de son appareil et arrête une voiture qui le conduit à l'hôpital de Lagny_. Là, avant de se laisser opérer, il insiste pour qu'on dise à son commandant de Groupe que l'avion est intact et en bonne garde. Il meurt quelques instants après, avant toute intervention.»

Le pilote Lieutenant Jacques du_Boucher a participé, pendant quelques semaines de mai-juin 1940, aux combats avec le CG I/6. Le 3 juin 1989 (49 ans jour pour jour après les faits) il nous écrivait :
«(...) Un autre souvenir me rattache au I/6. C'est l'adjudant Jacques de_LESTAPIS, un ami d'enfance (Clic +/- informations)Jacques de_Lestapis, neveu du pilote : « Il faut que vous sachiez que les du_Boucher et ma famille sont amis depuis plus de deux siècles et que les maisons se trouvaient dans les Landes à moins de 10 km. Jacques de_Lestapis avait, notamment, pour amis Jacques du_Boucher et Louis de_Pinsun. Tous trois, nés en 1914, rêvaient d'être pilotes et tous trois le furent.», qui en fin mai 40 (ou début juin ?) fut abattu à proximité de notre terrain. Après avoir posé son avion dans un champ il était allé jusqu'à la route voisine pour qu'on prévienne Tricaud "j'ai ramené la machine !" pour s'écrouler quelques instants plus tard, car il avait reçu une dizaine de balles au cours de son combat.»

Paroles prononcées le 5 Juin 1940 par le commandant Tricaud_, au cimetière de Montévrain_ (Seine-et-Marne), lors de l'inhumation du Sergent-Chef Jacques de_Lestapis. Le Sergent-Chef a d'abord été inhumé à Montévrain_ puis, bien plus tard, dans la nécropole militaire (carré n° 25, rang n° 2, tombe n° 31) créée par le Général de_Gaulle en 1964, à Fleury-les-Aubrais.

«Mon colonel, Mesdames, mes chers amis,

Aujourd’hui le sergent-chef de_Lestapis, après bien d'autres, nous quitte.

Je veux, en mon nom personnel et au nom de tous les membres du GC I/6 lui adresser un suprême adieu.

Pendant sa courte carrière militaire faite de gentillesse, de dévouement et d'ardeur combative, il s'était acquis l'estime et l’affection de ses chefs et de ses camarades.

Déjà en Afrique du Nord, à l'occasion de plusieurs accidents, il avait mis en évidence ses réelles qualités de pilote, son sang froid et son habileté.

Pendant les trois semaines de bataille, chacune de ses missions s’accompagna du combat qu'il recherchait.

Une fois déjà, il revint à son escadrille avec un appareil criblé de balles qui témoignait de l’ardeur et de la ténacité avec laquelle il avait poursuivi son adversaire.

La dernière fois, Jacques de_Lestapis fut atteint mortellement par deux balles après avoir atteint son adversaire. II trouva l’énergie nécessaire pour atterrir normalement dans des conditions difficiles. Posément, il prit plusieurs mesures destinées à maintenir son appareil en bon état. II en descendit seul, se déséquipa, mit ses ses effets de vol en ordre. Seulement après son arrivée à l’hôpital, il se laissa terrasser par son mal.

Vous pouvez, Madame, être fière de votre enfant mort de la mort qu'il avait choisie : mort pour la France en combat aérien.

Sergent-chef de Lestapis, vos chefs et vos camarades vous vengeront, j'en fais le serment solennel.»

«Le discours du commandant Georges Tricaud_ est manuscrit. Il a été remis par ses soins à notre grand-mère, Laure de_Lestapis née Laigre_ de_Grainville (notre grand-père, Jean de_Lestapis était déjà décédé), venue des Landes_ pour les funérailles.» (Jacques de_Lestapis, neveu du pilote).

«Paula_» à St_Cyr

«Paula» à St_Cyr-l'École_

Ce même jour, pour le compte de l'échelon roulant, le Sergent Cima_ se rend à Saint_Cyr l'École_.

GC. «3 Juin 1940. Je vais à Paris le matin, avec 2 camions, pour me rendre à St_Cyr pour chercher des pièces de rechange pour moteur et avions [sur l'ancien entrepôt de l'Armée de l'Air est actuellement implantée une faculté].
Vers 13 heures on entend un ronflement au loin ; serait-ce des avions ennemis ? Quelques instants plus tard les premières bombes incendiaires commencent à tomber sur les bâtiments des entrepôts de St_Cyr.
Les gens s'affolent, l'alerte sonne mais le mal est commencé, les bombes pleuvent, des incendiaires, des perforantes, des à éclats rasants contre le personnel. Les blessés gisent déjà sur les trottoirs. Les mesures de protection contre l'incendie sont presque inefficaces et des centaines de bâtiments sont déjà en flammes ainsi que des camions qui étaient dans la cour de l'école de St_Cyr.
Une bombe de gros calibre tombe sur l'école, une centaine de petits garçons et de petites filles sortent affolés, certains sont blessés ou tués.
Notre camion sert d'ambulance pour transporter les blessés à l'hôpital complémentaire de Versailles_. Certains ont la poitrine enfoncée, d'autres des membres cassés, les plus atteints ont la tête fracturée ou le ventre ouvert et gisent sans connaissance sur le trottoir.
Les bombes continuent à tomber, détruisant les vastes hangars où étaient entreposées les hélices, les moteurs neufs. Des soutes à essence sont atteintes ; une forte explosion s'en suit, des colonnes de fumées s'élèvent dans le ciel clair. Les avions ennemis ont compris que les dégâts étaient considérables et après quelques passages à basse altitude ils reprennent le chemin du retour malgré le feu intense de la D.C.A.
À Paris_ certains quartiers sont atteints, notamment celui où se trouvent les bâtiments du Ministère de l'Air.
À Nanterre_ où se trouvent les entrepôts d'armement, toutes les maisons sont sans vitres et la plupart lézardées car des dépôts de munitions voisins n'ont pas été épargnés. Les bâtiments sont tous écroulés mais le nombre de blessés est moindre qu'à St_Cyr.
Notre aviation ne reste pas inactive, mais les ennemis sont nombreux, 400 environ entre bombardiers et chasseurs. La D.C.A. tire, les avions sont touchés, les Do17 descendus ainsi que les M.109 et 110, mais nos avions aussi subissent de lourdes avaries, les pertes sont fortes aussi bien du côté ennemi que du côté français.
Notre groupe a perdu 6 appareils. Un des nôtres après avoir été en perte de vitesse à 2 reprises réussit à atterrir sur le terrain du Bourget_ avec un bout d'aile en moins.
Sur le terrain où nous étions stationnés, le personnel s'affaire. Les mécaniciens donnent un dernier coup d'oeil sur les moteurs, sur les pleins d'essence et d'huile, sur les commandes tandis que de leur côté les armuriers rechargent les chargeurs canon et mitrailleuses.»

Accalmie passagère

Accalmie passagère avant la «Bataille suprême»

JJ. «À cette dure journée [3 juin] succède, le 4 juin, une journée d'accalmie relative pour le Groupe de Chasse I/6 (3 sorties en couverture du terrain).
Mais cette accalmie est de courte durée.
Le 5 juin, à l'aube, commence la bataille suprême de la Somme_ et de l'Aisne_.»

Prochain document : la «bataille suprême», au cours de laquelle les chasseurs du GC I/6 vont être employés pour attaquer les chars allemands !


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