../s3_ae.gif Abri de défense passive. Bois-Colombes
Dossier réalisé à partir de documents divers provenant essentiellement du service Archives-Documentation de la Ville de Bois-Colombes (Responsable : Mme Deveaux Céline que nous remercions vivement). E_R_Cima ©2017.

Abri civil de Bois-Colombes.

Introduction

Introduction

Cette année (2017) nous avons visité une « tranchée-abri », abri de défense passive en 1940, situé dans la ville de Bois-Colombes (Hauts-de-Seine).

Par la même occasion nous avons fait la connaissance de la responsable du service Archives-Documentation de cette ville, ce qui nous permet, grâce à son aide, de vous présenter entre autres de belles photos de l'intérieur de l'abri, photos quasi-impossibles à prendre au cours d'une visite, dans la semi-obscurité de sa galerie.


La défense passive

La « défense passive » avant juillet 1940

Défense active

Il faut comprendre, dans ce terme, une protection par des moyens offensifs à caractère économiques, culturels, diplomatiques... et accessoirement militaires, afin de contrer tout système invasif du pays ou de ses intérêts économiques, politiques, culturels...

Accessoirement militaires ? car la défense active d'un pays est (ou devrait être) essentiellement politico-diplomatique et de tous les instants ; l'emploi de l'armée n'en étant que l'ultime recours.

Défense passive

Lorsque la défense active n'est pas à la hauteur des attentes, ou en complément de cette dernière, la défense passive tente de protéger les biens et les personnes par des recommandations de sécurité et des rappels sur les dangers potentiels existants, le tout sous l'autorité du Ministère de l'intérieur.

Dans les années 1930, la mise en place d'une défense passive paraît d'autant plus nécessaire que l’aviation a fait d'énormes progrès. Le rayon d'action étendu des appareils militaires leur permet ainsi de bombarder bien au-delà des champs de bataille. Plus aucune ville, plus aucun civil, n'est à l'abri de leurs incursions.

Mise en œuvre de la défense passive en 1935

C'est ainsi qu'en 1935, le 8 avril est votée la loi « relative à l'organisation des mesures de protection et sauvegarde de la population civile » et que le 23 août est instituée au Ministère de l'intérieur, une « commission supérieure de la défense passive, chargée de donner son avis sur toutes les questions relatives à la préparation, à la coordination et à l'application des mesures de défense passive du territoire. »

Mise en œuvre de la défense passive en 1938

Avec la dégradation significative des relations internationales, le 11 juillet 1938 est votée une nouvelle loi « relative à l'organisation générale de la nation en temps de guerre ».
D'un cadre plus large que celle de 1935, cette loi associe, aux problèmes de défense passive, la coordination entre le Ministère de l'intérieur et les autres ministères, tout particulièrement en ce qui concerne la sécurité publique lors de la mobilisation des troupes.
On prépare donc la population des villes à intégrer l'idée d'une guerre possible et, qui plus est, d'une guerre dans laquelle les bombardements aériens risquent d'être bien plus importants que ceux subis par les Parisiens au cours de la Grande-Guerre.


Défense passive à Bois-Colombes

Mise en œuvre de la défense passive à Bois-Colombes

Le personnel

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Le personnel est essentiellement composé de volontaires ayant reçu une formation adaptée relative aux consignes à faire respecter par le public entre autres en cas d'alerte aux bombardements aériens : éteindre les lumières pour ne pas se faire repérer, ouvrir les fenêtres pour que leurs carreaux ne se brisent pas au cours du bombardement, se diriger vers l'abri le plus proche, comment utiliser un masque à gaz (c’est une mesure à appliquer lors d’une attaque par gaz toxiques)...

Ce personnel est reconnaissable à l'écusson jaune qu'il porte.
Photo : écusson de la défense passive de Bois-Colombes (Document AMBC : Fonds des archives de la ville de Bois-Colombes).


Les réalisations

Appliquant les directives ministérielles, la municipalité recense les caves des immeubles pouvant servie d'abris (nom officiel : cave-abri). Le nombre de leurs places offertes n'étant pas suffisant, elle fait, en plus, construire trois grands abris souterrains (nom officiel : tranchée-abri) permettant d'accueillir au total 1376 adultes (ou 1715 enfants) selon les chiffres officiels.

  • Place de la République : abri de 97m de long pouvant accueillir 388 adultes ou 485 enfants

  • Jardin public (actuel square Émile Tricon) : abri de 91m de long pouvant accueillir 364 adultes ou 450 enfants

  • Square de Chambards (actuelle place Jean-Mermoz) : abri de 159m de long pouvant accueillir 624 adultes ou 780 enfants

  • Information fournie par le service des archives de Bois-Colombes : « à ces trois tranchées-abris il faut en ajouter une quatrième qui se trouvait apparemment sous le terrain encerclé par les rues Faidherbe, Chevreul et Blanche. Construite en 1939, elle a fait l'objet d'un projet de remise en état par la ville en 1943 ; on ignore si elle a été utilisée.»

Ensemble des tranchées-abris de Bois-Colombes


Quelles raisons justifient donc une telle abondance d'abris publics dans cette petite ville dont la superficie est inférieure à 2km² ?


Usines à Bois-Colombes

Des usines « sensibles » à Bois-Colombes

La ville de Bois-Colombes, qui n'existe que depuis la loi du 17 mars 1896, date à laquelle elle est « détachée » de la ville de Colombes, était à l’origine un quartier champêtre avec peu d'habitations.

Sa proximité avec Paris ainsi que ses lignes de chemin de fer la reliant à la capitale sont des atouts économiques importants propices à l'installation d'usines.

Hispano-Suiza

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La société Hispano-Suiza est essentiellement liée à l'ingénieur suisse Marc Birkigt (1878-1953) (Photo +/-)Photo libre de droits issue du site suisse http://www.pionnair-ge.com/spip1/spip.php?article153 concepteur de moteurs à combustion interne ainsi qu'à des capitaux, à l'origine, espagnols.

Initialement installée en Espagne, la société a pour objet la fabrication d'automobiles de luxe et, surtout, de leurs moteurs.

En 1914 Hispano-Suiza loue une usine de production à Bois-Colombes (elle y restera jusqu'en 1999) où elle se spécialise dans l'aéronautique et produit des moteurs d'avion de guerre et civils. Puis la société se diversifie et produit aussi des canons, des machines-outils... c'est dire que son usine de Bois-Colombes devient alors une cible désignée pour d'éventuels bombardements aériens.


Air-Équipement

La société d'accessoires d'aviations et d'automobiles Air-Équipement est créée en 1934 par Waseige Charles (1884-1943) et Boetto Baptistin (1885-1956). Usines à Bois-Colombes, Blois et Saint-Étienne. (+/- remarque)Au moins une photo d'usine ou des fondateurs serait la bienvenue mais... nous n'en avons pas trouvé libre de droits !

Au niveau aéronautique elle est spécialisée, entre autres, dans l'étude et la production de trains d'atterrissages électriques et pneumatiques. C'est dire, ici aussi, que les risques de bombardements aériens sont loin d'être à négliger.


SKF

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La société Svenska Kullager Fabriken (SKF) est créée en Suède en 1907 par Wingquist Sven (1876-1953) (Photo +/-)Wingquist Sven, tenant la plus emblématique de ses inventions : le roulement à rotule sur billes à deux rangées. Photo semble-t-il libre de droits..

En 1917 SKF construit une nouvelle usine de roulements à Bois-Colombes.
Bien que les roulements à billes aient une importance capitale dans la réduction du frottement des pièces de nombreux appareils mécaniques (dont les moteurs) et induisent donc ainsi d'importantes économies d'énergie lors de leurs utilisations, l'usine SKF de Bois-Colombes risquait tout de même d'être moins visée par bombardements que les deux usines précédemment citées.


Avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, la construction de plusieurs abris à Bois-Colombes était donc bien justifiée.

Après l'armistice de juin 1940, l'entretien des abris était tout autant justifié à cause d'éventuels bombardement aériens mais cette fois-ci par les Alliés ! En effet, toutes les usines, toujours en place, étaient occupées par les Allemands et utilisées à leur profit. Par exemple, dans l'usine Hispano-Suiza ils y fabriquaient et y réparaient des moteurs de la marque Daimler-Benz !

Nous allons maintenant visiter l'un de ces abris (tranchée-abri).


Tranchée-abri et abri « Maginot »

Tranchée-abri et abri de la ligne Maginot

Ne pas confondre tranchée-abri et abri de la ligne Maginot

À missions différentes, équipements différents
Et les amateurs de fortifications, entre autres ceux ayant déjà visité des abris de la ligne Maginot, risquent d'être très déçus dans des tranchées-abris car ces dernières sont, de loin, très sommairement équipées par rapport aux abris Maginot.


Tranchée-abri à Bois-Colombes

Tranchée-abri place de la République à Bois-Colombes

Situation

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Place de la République sous laquelle l'abri a été creusé.


Entrées

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L'une des trois entrées de l'abri.
Les entrées ont été murées après-guerre aussi, à l'heure actuelle, pour la visite on doit passer par une bouche d'égout.

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Absence de sas

L'abri n'étant pas pressurisé et aucune défense contre une intrusion indésirable n'étant envisagée, les entrées permettent d'accéder directement aux locaux souterrains, sans nécessiter la présence d'un sas.

Des bancs, des bancs et... des bancs.

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L'essentiel de l'équipement de l'abri est constitué de bancs, mais de bancs rabattables ce qui permet de fluidifier la circulation des personnes.

Les bancs étant en béton, il devait être opportun de s'apporter un coussin ou une couverture à chaque alerte.

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Absence de dortoirs, de cuisine, de réserves à vivres et à eau mais... présence de tinettes

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Le temps relativement court d'occupation de l'abri (entre quelques minutes et une heure selon les circonstances) ne nécessitait pas l'installation de cuisine, de chambres, de réserves à vivres et à eau. Il était juste conseillé, aux usagers de l'abri, de penser à s'apporter de quoi boire et éventuellement manger en attendant la fin de l'alerte.

Par contre il était indispensable de pouvoir soulager certains besoins naturels qui, parfois, ont du mal à être retenus. C'est la raison pour laquelle l'abri est équipé de tinettes (avec portes).

Cependant il n'y en a que quatre, réparties tout le long de l'abri ! Environ une pour cent personnes ! On avait donc prévu que les alertes dureraient peu de temps ou que les occupants de l'abri ne seraient pas trop désagréablement impressionnés par la situation qu'ils étaient en train de vivre.


Ventilation rudimentaire

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L'abri n'étant pas pressurisé, n'étant pas profondément enterré et n'étant pas occupé en continu, la ventilation naturelle était la plus rationnelle à mettre en œuvre. Par endroits donc, des bouches de cheminées (voir photo) donnant sur la place de la République permettent une aération efficace.

Mais que se serait-il donc passé en cas de bombardement par gaz toxiques ? La défense passive avait fourni des masques à gaz individuels à la population et chaque usager de l'abri était prié d'apporter le sien lors des alertes.


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La ventilation, toute rudimentaire qu'elle soit, semble donc suffisante car le plafond, les murs et le sol sont secs. Cependant, en cas d'arrivée d'eau intempestive, ou simplement lors du nettoyage hebdomadaire du sol à l'époque, sous les bancs une rigole conduit cette eau dans les égouts.


Et l'éclairage ?

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À l'origine, l'abri était éclairé par des lampes électriques, comme à l'heure actuelle, mais... la photo ci-contre est trompeuse car, bien qu'elle montre un hublot électrique au bas de l'actuel puits d'accès ainsi que de vieux câbles électriques au premier plan, rien de ces deux éléments n'existait en 1940.

En effet, il y avait bien alors un éclairage par lampes électriques (et non par flammes dévoreuses de dioxygène et donc interdites) cependant ces dernières étaient indépendantes les unes des autres et sur accumulateurs évitant ainsi de plonger l'abri dans le noir en cas de coupures de courant hautement probables au cours d'un bombardement.

Mais la maintenance de ces lampes était complexe et, surtout, ces lampes étaient semble-t-il convoitées par certaines personnes ; aussi étaient-elles souvent dérobées, de même que le matériel réglementaire tel que pioches, pelles et seaux stockés dans l'abri pour être utilisables en cas d'obstruction des entrées. Du coup, en 1943, la municipalité a-t-elle remplacé les lampes indépendantes par un éclairage relié au secteur (vieux câbles rouillés de la photo, seuls restes de l’installation électrique de 1943). Puis, lors de la réouverture de l’abri au public, en 2013, le circuit électrique a été mis aux normes actuelles de sécurité (hublot de la photo).


Absence de transmissions

Il n'existe aucun moyen de transmission, ni entre l'intérieur et l'extérieur de l'abri ni au sein même de l'abri. Mais ces moyens n'étaient pas indispensables car la seule information attendue par ses occupants était le signal de fin d'alerte.


Un plan d'abri des plus simples

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L'abri n'a qu'un rôle unique : protéger ses occupants contre les éventuelles erreurs de ciblage des usines de Bois-Colombes par un bombardement aérien. Aussi sa structure n'est-elle pas prévue pour résister à une bombe qui l'impacterait directement.

Par contre, si une bombe tombait dans son voisinage immédiat, en éclatant elle produirait deux effets qu'il importe de prendre en compte :
  • de nombreux gravas pourraient obstruer les entrées, d'où la présence de pelles, pioches et seaux dans l'abri,
  • et, surtout, un « effet de souffle » : une onde de surpression se propagerait à vive allure dans tout l'abri et pourrait s'avérer très dommageable, voire létale, pour ses occupants.
    Comme la propagation d'une onde est très atténuée par la présence d'obstacles le long de sa trajectoire, la forme réglementaire de la galerie de l'abri est une succession de coudes à angles droits. La photo (document du service Archives-Documentation de la Ville de Bois-Colombes) représente le plan de la tranchée-abri que nous venons de visiter.

L'abri a joué son rôle

L'abri a joué son rôle entre 1939 et 1944

D'après les informations communiquées par le service Archives-Documentation de la Ville de Bois-Colombes, entre le 5 septembre 1939 et le 1er novembre 1944, les Bois-Colombiens ont connu 421 alertes réparties de façon non uniforme dans le temps « il est fréquent que des semaines (voire des mois) passent sans aucune alerte, puis, que plusieurs alertes se succèdent en une seule nuit. »

Cependant, les survols d'avions suivis de bombardements n'ont été, à Bois-Colombes, qu'au nombre de 3, et tous alliés (américains) :

Nous avons essayé de vous donner un aperçu non-exhaustif de ce qu'était un abri de défense passive en 1940 et du rôle qu'il a pu jouer à Bois-Colombes. Nous espérons avoir satisfait votre attente.
Si, dans vos dossiers personnels, vous avez des documents sur ce même sujet... sachez que nous sommes preneurs !


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