../s3_ae.gif Dossier sur le « Bastion » de Menton, avec l'aide et les conseils de Mme Léonelli Françoise, conservatrice du musée Cocteau de Menton. E. R. Cima ©2022.

Le « Bastion » de Menton.
Sud-Est de la France.

Avant-propos.

Avant-propos.

Pour son aide précieuse, avant tout nous tenons à remercier Madame Léonelli Françoise, conservatrice du musée Jean Cocteau de Menton, musée installé dans l'ancienne fortification du Bastion, en 1966.

Madame Léonelli nous a aimablement reçus et nous a communiqué nombre d'informations et de documents relatifs à l'histoire de cette petite forteresse que nous allons tenter de vous faire découvrir ci-dessous.


Présentation du Bastion de Menton.

Présentation du Bastion de Menton.

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Le Bastion, fortification construite pendant la première moitié du XVIIe siècle, est vu ici depuis le quai Napoléon III (photo Cima Evelyne de 2021).
Sur le Bastion flottent deux drapeaux : celui de la France et celui, bleu et blanc, de la ville de Menton.

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Le Bastion vu depuis la promenade du soleil.
La crête de la montagne, sur la partie gauche de la photo, est la crête frontière franco-italienne.
Les montagnes, sur la partie droite de la photo, sont en Italie.

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Le Bastion vu depuis le quai de Monléon.


Localisation du Bastion sur une carte IGN.

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Le Bastion est un musée depuis 1966.

Le Bastion est un musée depuis 1966.

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Photo Cima Evelyne (2021).

Comme on peut s'en douter en voyant cet édifice, à l'origine (début du XVIIe siècle) il avait une vocation militaire. Nous en reparlerons plus loin...

Actuellement, il est la propriété de la ville de Menton qui, fin des années 1950, début des années 1960, l'a transformé en « musée Jean Cocteau ».

Le maire de la ville, Palmero Francis, avait proposé au célèbre Jean Cocteau de décorer la salle municipale des mariages. Puis, alors que l'artiste était à Menton, il lui avait suggéré de transformer le Bastion, à l'époque délabré, en lieu d'exposition de certaines de ses œuvres.

Jean Cocteau avait accepté avec plaisir, participé aux décors du futur musée, suivi l'avancement des travaux, et en 1966 le musée avait été inauguré mais... sans Jean Cocteau, décédé trois ans plus tôt !


Visite rapide de quelques salles du musée...

...« rapide » car ce n'est pas l'objet de ce dossier et nous en sommes désolés pour les amateurs des œuvres de Jean Cocteau ! Nous les invitons d'ailleurs à ne pas hésiter à visiter le Bastion s'ils passent à Menton.


Quelques niches dont le sol caladé reproduit des dessins de Jean Cocteau (avec des galets fluviatiles posés sur la tranche).

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Les meurtrières, au fond des niches qui permettent de voir l'épaisseur importante des murs d'enceinte, avaient deux rôles : permettre de protéger des abords du Bastion et servir de fenêtres.


La cuisine du Bastion.

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Petit espace avec cheminée de ventilation et four.


Voûtes soutenant le toit-terrasse.

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Première photo : grande salle. Deuxième photo : l'une des salles latérales.


Montée jusqu'au toit-terrasse du Bastion.

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Escalier d'accès au toit-terrasse.
Il est totalement construit dans l'épaisseur du mur d'enceinte, côté ville. Au niveau de la terrasse, il donne sur une très très basse porte (voir la flèche sur la deuxième photo) dépassant seulement de 1,5m de la surface de la terrasse. Et, dès le franchissement de cette porte, on a une superbe vue sur les environs du Bastion avec mer Méditerranée à perte de vue côté Sud !


Photos prises depuis le toit-terrasse du Bastion.

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Ici, la photographe s'est tournée vers l'Ouest, vers trois ouvrages (avec artillerie) de la ligne Maginot dont on peut repérer la position en cliquant sur leurs noms :

► Cap-Martin,

► Roquebrune (Cornillat). Manque de chance, sa position est cachée par l'échauguette,

► Mont-Agel.


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Ici, la photographe s'est tournée vers l'Est, vers la jetée du port et vers l'Italie :

► Crête frontière,

► Avant-poste (ligne Maginot) du Pont Saint-Louis, et postes-frontières.

► France,

► Italie.


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Ici, la photographe a regardé vers le Nord-Ouest, vers Menton et, dans les montagnes, vers deux ouvrages (avec artillerie) de la ligne Maginot :

► Mont-Agel,

► Sainte-Agnès.


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Et, pour terminer ce tour d'horizon, les regards de la photographe se sont portés vers le Nord, vers la vielle ville de Menton, dominée par le clocher de la cathédrale Saint-Michel construite à la même époque que le Bastion.


Bastion et princes de Monaco.

Le Bastion et les princes de Monaco.

Un blason.

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Blason des Grimaldi, princes de Monaco.
Blason « fuselé d'argent et de gueules » ; termes héraldiques signifiant : « rempli de fusées (losanges) sans nombre défini et alternativement d'argent et d'émail héraldique de couleur rouge. »


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Cette photo montre vaguement, dans le cercle, une sculpture blanche représentant le blason des Grimaldi, princes de Monaco. Mais cette sculpture n'est pas en couleur (...)

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(...) aussi, certains soirs depuis 2021, la municipalité projette-t-elle des photos en couleur sur le Bastion. Ici, la projection rend tout particulièrement visible ce blason monégasque.

Un médaillon.

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Médaillon à l'effigie du prince Honoré II (1597-1662) de Monaco.
Ce médaillon a été photographié en 2022 à l'intérieur du Bastion de Menton.

Lorsque on voit le blason des princes de Monaco sur la façade du Bastion, puis le médaillon du prince Honoré II à l'intérieur du même édifice, on se pose inévitablement la question suivante : quels liens y a-t-il donc entre le Bastion et la principauté de Monaco ?

Nous allons répondre à cette question en tentant d'être le plus concis possible sur une petite partie de l'Histoire de Monaco.


Honoré II (1597-1662).

Jusqu'à Honoré II, pendant près de 100 ans les Grimaldi, seigneurs de Monaco, Roquebrune et Menton, avaient été sous la pesante « protection » d'une garnison du roi d'Espagne.

En 1612, Honoré II, excédé par cette dépendance à l'Espagne, prend le titre de prince de Monaco, titre reconnu par le roi d'Espagne qui maintient cependant son emprise sur la nouvelle principauté.

Afin d'être plus persuasif, face au roi d'Espagne, Honoré II commence alors par améliorer la défense de Menton.
À l'époque, la ville était entourée par une enceinte médiévale fortifiée que dominait un château fort, mais l'ensemble avait des caractéristiques militaires largement obsolètes. Honoré II décide donc, en 1618, la construction d'un Bastion « moderne ».

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Photo Cima Evelyne (2022). Plaque de marbre scellée au-dessus de la porte d'entrée du Bastion et sur laquelle on peut lire : « Moi Prince de Monaco désire que sur le roc isolé marquant la pointe de l'éperon portant la ville fortifiée de Menton soit édifié un bastion qui avance dans la mer et devienne la tête armée de la cité. HONORE II. 1618. »


Afin d'illustrer ce texte d'Honoré II, nous avons utilisé, ci-dessous, une partie d'un document photo provenant, via le musée Jean Cocteau, des archives municipales de Menton et représentant un plan de la ville fortifiée de Menton au Moyen-Âge.

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À l'heure actuelle, il ne reste plus grand chose du château et du mur d'enceinte de la ville du Moyen-Âge, mais les lieux et noms ci-dessous sont toujours présents et leur position sur la photo est repérable en cliquant sur leurs noms :

► Château médiéval (actuellement, emplacement du cimetière du « vieux château »).

► Ancienne voie romaine.

► Rue longue, sans ses actuelles habitations côté mer.

► Porte Saint Antoine.

► Porte Saint Julien.

► Emplacement où Honoré II a fait édifier la basilique Saint Michel.

► Rochers sur lesquels Honoré II a fait construite le Bastion.


Changement de titre de noblesse (de Seigneur à Prince), amélioration de la défense de Menton... comme rien ne semble infléchir la politique du roi d'Espagne en matière de « protection » de la Principauté, Honoré II joue alors de diplomatie et se rapproche de Louis XIII, roi de France, avec lequel il signe le traité de Péronne en 1641.

Par ce traité, le roi de France reconnait la souveraineté de Honoré II sur les villes de Monaco, Roquebrune et Menton. De plus, une garnison de cinq cents hommes, entretenue par le roi de France, sera désormais stationnée sur le territoire princier, non pas aux ordres du roi de France, mais à ceux directs du prince !


Ces quelques rappels d'Histoire montrent pourquoi le Bastion est empreint de marques liées à la principauté de Monaco.


Modifications de l'architecture du Bastion.

Modifications de l'architecture du Bastion.

Nous venons de voir que la Bastion avait été construit sur une île ou, plus précisément, sur un enrochement proche du rivage alors qu'à l'heure actuelle il borde ce rivage.
Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, les mentonnais ont effectivement gagné du terrain sur la mer en construisant un port et une grande digue incorporant le Bastion, devenu militairement inutile. Ce dernier fut alors orné de cinq arches gracieuses.

Mais, avant son déclassement, l'architecture technique du Bastion a suivi une évolution liée à celle de l'armement, tout particulièrement à l'époque de la Révolution française et du Premier Empire. C'est ce que nous allons voir.

« Ajout » d'un pont-levis.

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Photo Cima Evelyne (2021).
Les portes situées sous les voûtes, n'existaient pas à l'époque de la construction du Bastion ; elles auraient été quasiment au niveau de la mer avec possibilité de pénétration d'eau dans la partie basse de la fortification.

L'unique porte initiale d'accès au Bastion, sur ses rochers, correspondait à celle située au-dessus de l'actuelle voûte centrale. Et on l'atteignait alors par un escalier en bois suivi d'une passerelle sans pont-levis.


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En regardant de plus près cette porte initiale, on constate qu'elle est surmontée de deux fentes verticales (voir les flèches sur la photo) ; passages des chaînes ayant jadis servi à manœuvrer le pont-levis mis en place fin du XVIIIe - début du XIXe siècle.


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Photo d'un document provenant des archives du Génie militaire. (collection Musée Jean Cocteau).

Ce plan du Bastion a été réalisé par le Génie français et est daté de la « troisième année de la République française » (donc 1795 dans le calendrier grégorien). Il s'agit du « Plan en élévation de la Tour de Menton relatif au projet pour l'An 4ème » [de modernisation du Bastion].

Pourquoi par le Génie français ?

Au cours de la Révolution française, la Convention nationale décide, le 15 février 1793, de rattacher les possessions du Prince de Monaco à la République française.
Cet état d'annexion par la France durera jusqu'en 1814, date de fin du Premier Empire français ayant succédé à la Première République.
Le prince de Monaco récupèrera alors sa souveraineté sur les villes de Monaco, Roquebrune, Menton. et passera vite sous la protection du roi de Sardaigne, puis déclassera le Bastion devenu militairement obsolète.


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Entre temps, l'armée française avait mis en œuvre des travaux, conformément au plan-projet que nous avons présenté ci-dessus, afin de modifier le Bastion qu'elle avait intégré à ses places fortes côtières. Il était prévu :
-nouvelle passerelle entre le rivage et le Bastion ;
-remplacement, par un escalier en maçonnerie, de l'escalier en bois conduisant à la porte d'entrée ;
-mise en place d'un pont-levis que l'on voit sur la photo de détail ci-contre (collection Musée Jean Cocteau) ;
-suppression, sur le toit-terrasse du Bastion, des échauguettes et de la plupart des créneaux de rempart.


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Le plan ci-contre fait partie du dossier précédent (collection Musée Jean Cocteau). Il montre que sur la terrasse du Bastion il est prévu de supprimer tous les créneaux ne donnant pas vers la ville, renforçant ainsi le parapet, et de ne laisser qu'une seule guérite d'observation, et sans son toit.

Sur ce plan il est noté :

Vu et vérifié par moi - chef de Brigade.
Directeur des fortifications.

Annotation semble-t-il signée « Bonnay ». Il se pourrait alors que ce soit Gabriel de Bonnay de Breuille (1771-1833) qui fut, entre autres, directeur des fortifications à Neuf-Brisach et à Belfort.

Le document est d'autant plus intéressant qu'il préfigure la standardisation des « Tours et Redoutes modèles type 1811 » initiée par Napoléon afin de réorganiser les défenses côtières françaises.


Nous allons consacrer la suite de ce chapitre aux échauguettes et aux créneaux de rempart du Bastion car ces éléments sont « encore » présents en 2022 alors qu'il était prévu qu'ils soient supprimés ! Napoléon Ier n'aurait-il donc pas eu le temps de faire transformer le Bastion de Menton avant la fin de son règne ou...

Question échauguettes et créneaux de rempart !

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Certains soirs, la « salamandre » dessinée par Jean Cocteau est projetée sur la face Ouest du Bastion.

Sur cette photo, prise en 2022 par Cima Evelyne, outre la salamandre, les échauguettes dominant le Bastion sont bien mises en valeur, ainsi que les créneaux de rempart.

Or, sauf erreur de notre part, échauguettes et créneaux de rempart ne sont présents ni sur les tableaux anciens postérieurs au premier Empire, ni sur les photos prises avant 1960.


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La photo ci-contre, du tableau dont l'auteur est semble-t-il anonyme, que nous a procuré le Musée Jean Cocteau, montre l'absence criante d'échauguettes.


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La photo ci-contre (collection Musée Jean Cocteau) a été prise entre 1878 et 1890, intervalle de temps au cours duquel une lanterne-phare avait été provisoirement installée sur le Bastion.

À chaque coin du toit-terrasse de la fortification, on peut constater la présence de restes de bases des échauguettes. Et l'on peut aussi constater l'absence de plusieurs créneaux de rempart.

Le projet de Napoléon Ier, projet de réorganisation des défenses côtières françaises, semble donc bien avoir été mené à son terme, tout au moins sur ce petit ouvrage fortifié.


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Photo provenant d'un film (© Musée Jean Cocteau) « conception et réalisation de Sottile Philippe ».

Après 1880, le Bastion, lieu de stockages civils divers, a été intégré à la digue du port en constructions. Puis il s'est lentement dégradé au fil du temps jusqu'à ce que...


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...jusqu'à ce que, comme nous l'avons indiqué plus haut, en 1955 le maire de Menton, Palmero Francis, initie une demande de rénovation de la fortification, à l'architecte des bâtiments de France.

Et c'est ainsi qu'en 1960, le Bastion fut mis en valeur touristique et culturelle en retrouvant une partie de son aspect d'extrême jeunesse.

Photo (collection Musée Jean Cocteau) montrant le Bastion entre sa restauration de 1960 et son ravalement total de 2020.


Petit résumé au sujet de Menton et de son Bastion.

La ville était une possession du Prince de Monaco lorsque son Bastion a été construit au XVIIe siècle.

Au cours de la Révolution française, en 1793 la ville est annexée par la France qui entreprend d'actualiser l'architecture du Bastion.

La Ville reste française jusqu'à la chute du Premier Empire, en 1814, date à laquelle elle redevient possession du Prince de Monaco. Son Bastion est alors militairement déclassé.

Puis Menton redevient française en 1861 et, un siècle plus tard, son Bastion retrouve un aspect de jeunesse.


Le Bastion en février 2022.

Complément : le Bastion en février 2022.

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Pendant la « Fête du citron 2022 », le soir, le Bastion était illuminé par des projecteurs colorisant certaines parties de ses façades dont, entre autres, des dessins de Jean Cocteau transcrits en tableaux réalisés avec des galets fluviatiles.
Photo Cima Evelyne de 2022.

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Les mêmes tableaux vus le jour, sans leur colorisation.


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Commentaires

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Commentaires d'Internautes

Excellent travail des différents intervenants plus que passionnés, un vrai régal qui fait plaisir à lire et à relire.
Un grand merci pour les historiens.
Jacquy
Grazie delle notizie. Zulu.
Merci toujours très intéressant. Beaucoup de recherche. Guy S.
Bonjour Raymond et Evelyne.
Bien reçu... et lu !
👍joli travail comme d'hab ! SLL.
Cher Raymond, merci pour la photo de la fortification de Menton que j'attends.
Cordiali saluti.
Ferruccio R.

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E-R Cima, kaff.