../s3_ae.gif Histoires grivoises, par Raymond_Cima (E_R_Cima ©1965-2021).

Don Juan des cavernes
« histoire grivoise »

Don Juan des cavernes

Don Juan des cavernes

Si de tous tes enfants tu veux être le père
Il ne faut pas laisser ton épouse en colère !

Et j'appuie ce conseil d'un récit fantastique
Emprunté au plus noir du temps préhistorique
Au temps des plus lointains où l'homme et sa compagne
Habitaient les abris qu'ils trouvaient en montagne.

Un jour, savoir pourquoi, ceux-ci ayant manqué,
D'un mari malchanceux sa moitié se moquait.
Le ton de la dispute s'enfla sur le champ
Et guidé par la voix d'un couple aussi bruyant,
Un touriste perdu -c'est Juanon qu'on l'appelle-
Arriva juste à temps pour voir battre la belle.

Ô le pauvre mari ! qui s'en va sans penser
Qu'il laisse une Ève en pleurs et des plus offensée !
J'ai cherché dans les livres une pareille histoire
Où la femme est battue, et vous pouvez m'en croire
Ici-bas chaque fois qu'un tel fait s'est produit,
Chaque fois qu'un mari, gougeât, s'est mal conduit,
Même dans des pays où la chose est connue
Le causeur de chagrin devient vite cornu.

Le chagrin, quoique gros, n'était inconsolable
Et Juanon caressant était homme admirable.
Aussi fit-il si bien, consola-t-il si fort,
Que l'on n'eut à se plaindre d'un tel réconfort.
Le jeune homme bien fait inspirait tant d'amour
Que la belle se plut à écouter sa cour
Et le laissa aller vers des plaisir si doux
Qu'ils n'entendirent pas que revenait l'époux !

Le mari les surprit et s'aperçut trop tard
Qu'il risquait d'être père de quelque bâtard.
Mais l'amant semblait fort ; il préféra se taire
Et courut avertir un voisin son compère
En criant au malheur, par tant d'autres vécu :
« Viens vite, lui dit-il, à moi, je suis cocu ! »
Celui-là amusé, dans son for intérieur,
S'en alla cependant punir le jouisseur.

Pressentant les dangers qu'annonçaient tous ces bruits,
Juanon, sans plus tarder, en montagne avait fui.
Mais comme il ignorait, de l'endroit le passage,
Il eut vite en son dos le mari fou de rage.
Une grotte était là, il entra s'y cacher,
Récita son pater et maudit son péché
Qui faisait succéder, au plaisir d'un instant,
La terrible fureur d'un mari mécontent.
Mais il fut fort surpris de voir ses poursuivants
S'en retourner heureux (?) sans avoir pris l'amant.

Cette grotte en question -je le dis au lecteur-
Était propriété d'un lion tout plein d'ardeur,
Qui un jour de printemps, taquiné par l'amour,
Était en lointain lieu parti faire sa cour.
Le mari l'ignorait, Juanon n'en savait rien
Le logis libéré était devenu sien !
Le touriste chez lui, épuisé s'endormit
Et jusqu'au petit jour rêva de son amie,
Si bien qu'au lendemain, encore plein d'amour,
Au lieu de s'en aller il voulut faire un tour
Du côté des vallées, près du lieu où la veille
Il avait découvert sa huitième merveille :
Une femme admirable et exquise en tous points,
Et qui de son côté ne le détestait point.

Aussi imaginez cet accueil plein de joie
Qu'il eut quand le mari repartit dans les bois !
Juanon en maints détails raconta la poursuite
Et frissonna de peur lorsqu'il sut que sa fuite
En l'antre d'un gros lion l'avait tout droit mené !
Heureusement dit-il tout s'est bien terminé !

Du moins le croyait-il car voici tout à coup
Que le mari revint et le roua de coups.
La femme lui laissa dégrossir sa colère
Et frapper tout son saoul, Juanon tombé à terre.
Elle intervint enfin et dit à son époux :
-Que lui chercher querelle alors qu'il vient pour nous ?
Me parlant à l'instant ce pauvre malheureux
Voulait par sa bonté exhausser tous nos vœux
Et nous faire cadeau d'un logis confortable
En échange d'un siège autour de notre table !

On fit croire au mari tout ce que l'on voulut ;
Femmes en ces questions ont victoire absolue
Et prouvent aisément, sans préparer de plan,
Que ce que l'on voit noir est pourtant des plus blanc !

L'éloquent plaidoyer fit acquitter Juanon
Et permit au mari d'avoir une maison
Dont le touriste fit les honneurs sans tarder,
De peur qu'avec le temps l'on ne changea d'idée.

L'histoire ainsi s'achève et Juanon tristement,
Trouvé par le génie, partit juste au moment
Où il pouvait avoir, ceci au même endroit,
Nourriture à foison et femme de surcroît !
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E-R Cima, kaff.