Lance-flammes et fortification CORF (ligne Maginot)
Généralités
Généralités sur les lance-flammes
Lance-flammes ?
Le lance-flammes est une arme d'infanterie pouvant projeter un liquide enflammé (ou inflammable) à plusieurs mètres.
On peut considérer qu'il est le lointain descendant du « feu_grégeois », qui aurait été inventé par le syrien Callinicus vers 670, puis utilisé par les byzantins, entre autres sur leurs navires de guerre.
Tombé ensuite dans l'oubli de l'arsenal militaire, il refait son apparition dans les armées allemandes de la Grande Guerre (1914-1918).
Applications du lance-flammes
En attaque le lance-flammes est utilisable en toutes circonstances, entre autres contre le personnel, en tir direct ou courbe où il peut remplacer avantageusement les grenades, ne serait-ce que par son effet prolongé.
Son liquide enflammé s'insinuant avec facilité à travers le moindre interstice son emploi est particulièrement efficace contre les engins motorisés, les tranchées, les abris et blockhaus, sauf si la cible est hermétiquement close.
En défense, il peut être efficace contre l'infanterie utilisant des trous d'obus pour progresser par bonds successifs. Mais en défense il peut aussi être remplacé par l'association classique : mitrailleuse, mortier de petit calibre, grenades.
Lance-flammes et fortification CORF
Le principe de l'installation de lance-flammes est envisagé par la CORF, dès la conception des ouvrages. Mais faute de matériels performants et surtout compte tenu du manque d'intérêt du lance-flammes dans la défense rapprochée de la fortification, l'arme n'est pas retenue au profit de l'association de FM-JM (tirs tendus) et de mortiers de 50mm (tirs courbes) auxquels sont adjoints des lance-grenades.
Cependant, en 1937, la question de l'installation de lance-flammes dans les ouvrages revient à l'ordre du jour. Des essais de matériels divers sont entrepris et analysés.
Seul le lance-flammes Mandet, maniable à tel point qu'il peut équiper les cloches GFM, dépasse le stade du prototype.
Soumis à l'Établissement d'Expériences Techniques de Bourges qui effectue les tests de qualification le 15 novembre 1938, il est déclaré bon pour le service !
Il restera cependant dans les cartons, à cause du fait que les GFM, exiguës, sont déjà suréquipées (Épiscopes, jumelles, périscope, FM) et que la tension internationale plaide plus en faveur de l'amélioration de l'existant que de l'étude in situ de nouveaux matériels !
Le lance-flammes Mandet
Le lance-flammes Mandet
Description
Description de l'appareil
Page de garde, très ornementée, de l'un des documents relatifs aux tests du lance-flammes Mandet.
(Document SHD).
Vue d'ensemble de l'appareil Mandet testé.
(Collection Philippe Truttmann).
Il est constitué de deux postes :
-le poste de tir, avec la lance adaptable à un créneau type GFM (ici GFM type A), servi par le tireur ;
-le poste d'approvisionnement, avec les réservoirs à liquide inflammable et à propulseur, servi par deux pourvoyeurs.
Ces deux postes, plus ou moins éloignés l'un de l'autre, sont reliés entre eux par un ensemble de tuyaux.
Ces tuyaux sont au nombre de trois :
-l'un amène le liquide inflammable sous pression,
-le second permet le maintien d'une veilleuse allumée en bout de lance, veilleuse qui enflammera le liquide à son passage,
-le troisième est un porte-voix reliant les deux postes.
La lance
Description de la lance
Lance de l'appareil Mandet, vue plongeante latérale droite.
De la gauche vers la droite :
-sur la lance : manette actionnant la vanne de lancer du liquide inflammable,
-sous la lance : manivelle de la magnéto (et magnéto) servant à enflammer la veilleuse de l'extrémité de la lance,
-au centre : système de fixation au créneau de GFM,
- à l'extrême droite : brûleur, veilleuse.
Vue profil droit. Sur cette photo la veilleuse a été enlevée.
Gros plan face à la veilleuse
Au centre : bouche de sortie du liquide inflammable,
Tout autour : veilleuse à huit trous,
À gauche : allumeur électrique de la veilleuse (relié à la magnéto).
Approvisionnement
Approvisionnement et réapprovisionnement
Approvisionnement de la lance
Six bouteilles.
Ce poste est constitué de deux mécanismes symétriques alternativement utilisables et interconnectables (droite et gauche de la photo).
Chaque mécanisme comprend 2 hautes bouteilles d'air sous pression (propulseur) situées de part et d'autre d'une bouteille trapue (réservoir à liquide inflammable) dont le contenu permet un tir continu de 20 secondes (qu'il est conseillé de remplacer par une série de 20 tirs d'une seconde chacun).
Lorsqu'une des deux bouteilles trapues (à liquide inflammable) est vide, une manette permet à l'un des deux pourvoyeurs de connecter la seconde bouteille trapue à la lance, pendant que l'autre pourvoyeur remplit la bouteille vide.
Les bouteilles d'air comprimé sont, elles aussi, interconnectables et ont une très longue durée de vie (dont nous n'avons pas trouvé la valeur précise).
Réapprovisionnement des bouteilles
Le réapprovisionnement en liquide inflammable a un point fort : il peut être réalisé à partir de fûts ordinaires, du commerce.
Aucune pompe n'est nécessaire car un double tuyau permet de mettre le fût sous légère pression (de l'une des bouteilles d'air comprimé) ce qui refoule le liquide inflammable dans l'une des bouteilles trapues.
Avantages de ce système de lance-flammes
Ce système, avec son approvisionnement mobile sur chariot, peut donc être déplacé suivant les besoins.
Et surtout, il fonctionne de façon autonome car il ne nécessite ni compresseur ni pompe pour le recharger (bien évidemment tant qu'il y a de l'air comprimé dans les bouteilles d'air comprimé).
C'est un avantage non négligeable puisque ce lance-flammes peut ainsi équiper les blockhaus dépourvus de groupes électrogènes.
Maniement
Maniement et performances du lance-flammes
Lorsque l'appareil est prêt à fonctionner le tireur allume la veilleuse, après avoir ouvert son circuit, vise et tire, par rafale de jets d'une durée de 1 seconde chacun.
La pression du liquide inflammable, variable à volonté entre 500.000 et 1.200.000 Pa, permet d'obtenir une portée comprise entre 8 et 30m (moins par vent contraire, comme on peut s'en douter).
Comme le jet enflammé est quasiment rectiligne jusqu'à son point d'impact, si l'on désire réaliser des tirs courbes (par exemple atteindre des assaillants défilés dans un trou d'obus), il suffit de lancer un jet, veilleuse éteinte, puis d'enflammer ensuite la flaque produite par un nouveau jet veilleuse allumée.
Point faible : le remplissage du réservoir à liquide inflammable n'est pas possible en moins de 20 secondes (il en faut juste un peu plus). Or un tir continu le vidant en 20 secondes ce lance-flammes ne peut pas être utilisé en continu plus de 40s (temps de vidage des 2 réservoirs). En revanche, des tirs courts successifs de 1 seconde peuvent être répétés très longtemps car ils laissent suffisamment de temps pour recharger les réservoirs.
Conclusions
Signature de qualification du lance-flammes.
Après essais à l'Établissement d'Expériences Techniques de Bourges, le 15 novembre 1938, l'ingénieur militaire Principal Cabrit conclut :
L'appareil Mandet paraît dès maintenant pouvoir être soumis à des essais dans les ouvrages fortifiés dans les conditions normales d'emploi.
Nous n'avons pas trouvé trace de ces essais. Ont-ils eu lieu ? A-t-on constaté qu'ils n'apportaient pas grand-chose à la défense rapprochée des ouvrages ? A-t-on jugé bon de ne pas installer un appareil de plus dans les cloches GFM déjà surchargées de matériels ? Le contexte international houleux et le besoin d'accroître l'industrie de guerre a-t-il reporté les essais de nouveaux matériels ? Toujours est-il qu'aucun lance-flammes n'équipait les ouvrages CORF en 1940.
Protection des fortifications contre les lance-flammes
Protection des fortifications
Simulation d'attaque
Simulation d'attaque au lance-flammes
Essai de lance-flammes au B1 du Lavoir_ (SF Savoie) les 26 et 27 avril 1940 (Comparez la date de l'essai avec celle du 10 mai 1940, début de l'exécution de « Plan_Jaune » allemand).
Essais, aux résultats catastrophiques
Le haut commandement français ayant émis quelques doutes sur l'efficacité du matériel de ventilation face aux lance-flammes dont l'armée allemande est dotée, des essais sont programmés dans les Alpes où les Italiens n'ont pas encore fait preuve d'actes belliqueux.
Le 26 avril les essais sont faits sur une prise d'air normale (sans déshuileur ni plaque de protection), ventilation en marche, bien sûr ! Un lance-flammes projette 10 litres de mélange enflammé d'huile et d'essence en plusieurs jets successifs. Puis l'expérience est renouvelée.
Les résultats sont catastrophiques ! Les filtres sont immédiatement colmatés et leur débit est divisé par 3 (Il passe de 600m3/h à 200m3/h). Seule consolation, ils restent étanches.
Le 27 avril les essais sont repris avec le même protocole, mais cette fois la prise d'air est protégée par une plaque de tôle. Les résultats sont plus satisfaisants que la veille puisque le colmatage des filtres est alors nettement diminué. Mais il n'en demeure pas moins qu'après deux essais successifs le débit d'air de la ventilation passe tout de même de 600m3/h à 500m3/h. Il n'y a pas de quoi pavoiser.
Constat de la Délégation Permanente des Sections Techniques au cours de sa réunion du 9 mai 1940 (veille de l'attaque allemande) :
Les essais de lance-flammes sur les prises d'air ont montré que le filtre était assez rapidement colmaté. Les appareils protecteurs successivement expérimentés (déshuileur, plaque ou hotte de protection de l'orifice de prise d'air) n'ont pu empêcher le colmatage.
Le problème est sans solution immédiate !
Démontage de filtre après expérience.
Conséquences
Conséquences sur le terrain
Note, juste avant les combats de mai 1940 (extraits)
En-tête de la note de service signée, le 30 avril 1940, par le général Georges, commandant en chef sur le Front Nord-Est (Document SHD).
Extraits de cette note
Quel que soit le mode ou la puissance des lance-flammes ceux-ci agissent par jets successifs. Dans chaque jet ils projettent pendant un laps de temps très court une quantité importante de liquide qui est normalement enflammé à quelques mètres de la sortie de l'ajutage. Le jet de liquide peut également ne pas être enflammé. Dans ce dernier cas un jet ultérieur met le feu au liquide projeté antérieurement.
La portée des engins allemands n'est pas connue exactement. On peut toutefois admettre les chiffres suivants : 100m pour les chars lance-flammes, 30 à 40m pour les engins portatifs.
Les flammes agissent soit par brûlure directe soit par élévation de température (plus de 1000°C) rendant intenable une zone assez étendue aux alentours du jet. En terrain libre on ne peut approcher du jet à moins d'une trentaine de mètres.
Pendant quelques instants un treillage fin à la manière d'une lampe de mineur arrête la flamme mais laisse passer le liquide. Très rapidement le treillage est détruit par suite de l'élévation de température et la flamme qui traverse à nouveau met le feu au liquide qui a filtré à travers le grillage. En revanche, le moindre écran opaque en substance ininflammable coupe le rayonnement de chaleur ou arrête le jet. Le jet de flamme est accompagné d'un grand dégagement de fumée qui permet difficilement à celui qui est d'objet de l'attaque de voir l'engin lanceur.
Autre extrait de la note du général Georges
Cette fois-ci, à propos de la protection dans les ouvrages fortifiés
1- Ouvrages type CORF. Aucun effet n'est à redouter en raison de l'étanchéité des créneaux (armes montées sur rotule).
[On remarquera qu'il ne dit rien (ou n'ose rien dire) au sujet des bouches d'aération. NDLR].
2- Ouvrage type MOM. Ces ouvrages ont leurs embrasures obturées partiellement soit par des trémies soit par des sacs à terre.
Si l'engin lance-flammes arrive à portée, les flammes pénètrent à l'intérieur par le moindre interstice et agissent sur le personnel [...]. Il faut cependant noter que dans les ouvrages à plusieurs chambres il est rare que le jet de flammes intéresse en même temps toutes les chambres de tir. Dans ce cas des extincteurs peuvent être mis en œuvre par le personnel non atteint, et les extincteurs au bromure de méthyle sont très efficaces, ils éteignent rapidement les flammes sans dégager de produits nocifs. Les extincteurs à mousse et au tétrachlorure de carbone sont à prohiber d'une manière absolue.
Quoi qu'il en soit, en l'état actuel des choses, la parade la plus efficace consiste à empêcher l'engin lance-flammes d'arriver à portée de jet des ouvrages.
[Sans trop s'avances, on peut affirmer que la dernière phrase écrite par le général Georges est la parade absolue, même contre les bombardements, les mines et l'assaut ! NDLR]
Note, au cours des combats de 1940 (extraits)
En-tête de la note de service signée, le 1er juin 1940, par le Général de Division Renondeau, commandant le 42°CAF ex SF Crusnes (Document SHD).
Après 20 jours d'attaque allemande :
L'action des lance-flammes ne peut être sérieuse que sur les créneaux de cloches de GFM, sur les prises d'air et sur les créneaux de FM sous béton.
Les effets possibles des attaques des organes fortifiés tels qu'ils sont brièvement exposés ci-dessus conduisent à prescrire les consignes suivantes relatives à la défense contre les attaques.
Toutes les embrasures doivent être munies de leur équipement réglementaire, en veillant scrupuleusement à la fixation normale de ces équipements.
[En effet, il n'était pas inutile de rappeler que l'équipement réglementaire devait être en place car, par exemple, dans certains ouvrages, les hommes las d'être contraints d'observer au travers des glaces d'épiscopes de GFM, avaient tout simple retiré ces appareils et faisaient leurs observations à ciel ouvert. NDLR]
Remarque, à propos de l'absence de lance-flammes à l'ouvrage de la Ferté
Certains auteurs font remarquer qu'en 1940 si l'ouvrage de La Ferté avait été pourvu de lance-flammes (comme, par la suite, les ouvrages allemands du Mur de l'Atlantique) les allemands n'auraient peut-être pas pu s'en approcher et faire sauter sa tourelle de mitrailleuses.
C'est possible. Mais au moment de l'attaque, la tourelle était bloquée et inutilisable, les troupes amies du voisinage avaient été retirées et l'une des 3 cloches GFM était hors service à la suite des bombardements de préparation. À quoi donc, alors, auraient ressemblé les lance-flammes de protection ? Dans le cas de La Ferté, c'est une protection par troupes extérieures (retirées sur ordre) et par artillerie (ajournée faute de crédits) qui a cruellement fait défaut, plus que toute autre sorte d'armes.
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Compléments...
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Commentaires d'Internautes
Commentaires d'Internautes
Merci pour tous vos envois
cordialement
Serge C.
Je ne sais quelle énergie vous soutient pour étudier de la sorte la LM.
Mais je sais que vous faites partie des titans qui osent attaquer tous les sujets.
Merci pour cette énergie et pour votre capacité de la communiquer.
Je vous admire.
Willy H.
Merci. Christion R.
Un saluto ed un grazie. Zulu.
Merci Santé Bonheur et la prudence en tout ! Denis C.
un grand merci à vous. I et D.
Beau reportage. Fred P.
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E-R Cima, kaff.