../s3_ae.gif Ligne Maginot - Effet mécanique Hopkinson_ (dossier n°2). Document réalisé grâce à l'aide technique du Colonel d'Artillerie Roland_Gras que nous remercions vivement et à divers documents du SHAT_ SHD_, de l'ENS_Cachan et de Bernard_, Evelyne_ et Raymond_Cima ©2000-2020.

Effet mécanique Hopkinson.
Dossier n°2 : effet sur les cuirassements.

Effet mécanique Hopkinson
Rappel

Rappel succinct sur le dossier n°1 (effet sur le béton)



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Clic : Animation de l'image


Les hommes se croient bien protégés derrière une épaisse couche de béton. Un obus frappe la muraille de béton. Il ne la traverse pas et pourtant, au niveau de l'impact de l'obus, une partie du béton s'est détachée à l'intérieur de la casemate. Et cette partie détachée (appelée « ménisque ») a été projetée sur les occupants et les a tués !

Explication par les ondes de choc

Nous avons vu, dans le dossier n°1, que le choc de l'obus sur le béton avait produit un train d'ondes (de choc) qui s'étaient propagées dans le béton ;
-Que les premières ondes, arrivées côté intérieur de la casemate, avaient été à l'origine d'autres ondes ;
-Que l'énergie libérée par les interférences de certaines de ces autres ondes avec celle continuant d'arriver, était la cause de la rupture du béton dont un ménisque alors produit avait été projeté sur les occupants de la casemate.

C'est cet effet de production du ménisque, à la suite d'un choc, que nous avons appelé « effet mécanique Hopkinson ».

Protection contre l'effet mécanique Hopkinson

On peut, par exemple, doubler la paroi à protéger par l'ajout d'une plaque métallique (représentée ici en vert) retenant le ménisque.


Précision utile, pour ce dossier n°2

Nous ajoutons juste une précision : s'il s'était agi de cuirassement (acier...) et non de béton, le résultat aurait été le même pour les occupants ; ils auraient été tués... mais par un ménisque d'acier en non de béton !


Applications à la ligne Maginot

Applications aux cuirassements de la ligne Maginot
Tourelles

Protection des tourelles

Exemple de tourelle d'armes mixtes (TAM) au Bambesch -Bloc 1- dans le SF Faulquemont.
Photo Gérald_Goeltl.

Sur la ligne Maginot, les tourelles sont toutes protégées contre l'effet mécanique Hopkinson, par un doublage intérieur.

Tourelle de 75/33 de l'Agaisen (SFAM).
Le schéma de coupe verticale partielle de cette tourelle met en évidence les 30cm d'épaisseur de sa muraille et de sa toiture (en marron) et les 4,5cm d'épaisseur de son doublage intérieur (en jaune).
Photo Cima.


Observatoires d'artillerie

Protection des observatoires d'artillerie (VP et VDP)

Les cloches VP et VDP sont, elles aussi, protégées contre l'effet mécanique Hopkinson, par un doublage intérieur.

Cloche VDP du Bois_du_Four (SF Crusnes)
Photo Gérald_Goeltl.

Le schéma de coupe de cette cloche, d'un diamètre intérieur de 120cm, met en évidence les 30cm d'acier (en marron) et les 20mm d'épaisseur de la tôle de son doublage intérieur (en jaune).


Couac des cloches

Le « couac » des premières cloches GFM et JM

Pourquoi parler de « couac » pour les cloches GFM et JM ?

Car les cloches GFM 1929 et JM 1930 n'ont PAS DE DOUBLAGE intérieur alors que l'effet mécanique Hopkinson était connu de longue date ! Un de nos lecteurs l'a d'ailleurs justement rappelé, après la mise en ligne de notre dossier n°1 sur cet effet, en nous écrivant :

(...) l'effet Hopkinson n'est pas nouveau. Les pièces écaillées sont appelées « planchers secondaires » (en allemand Sekundär Geschosse). Les tours blindées étaient bordées de fer doux à l'intérieur et les casemates recevaient une couverture à l'intérieur, également en fer doux (...). Inge et Dieter W.

Effectivement ! Et comme nous l'avons vu dans le dossier n°1, la CORF ne l'ignorait pas ! Alors pourquoi cette négligence ? D'autant plus que...

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... cette photo, par exemple, montre sans conteste possible que les cloches ont du mal à être camouflées et sont donc des cibles de choix !
Photo Cima.

Partie avant de l'ouvrage du Bois_du_Four (SF Crusnes).
Photo Gérald_Goeltl. © Clic.Reproduction et diffusion interdites sans accord de Gérald_Goeltl.


Bloc 5 du Galgenberg (SF Thionville). Cloche JM (1930) au premier plan et cloche GFM (1929) au second plan.
Photo Roger_Azambre.

On se rend très bien compte, ici aussi, que la GFM (surtout elle) ne passe pas inaperçue et risque donc d'être la cible privilégiée de tirs hostiles.


En 1929, le général Belhague s'inquiète.

Les cloches GFM (Guet Fusil-Mitrailleur), servent de poste d'observation souvent sur 360° (d'où la partie « Guet » de leur nom) et sont donc indispensables pour les ouvrages. De plus, par leurs créneaux de FM, elles servent aussi à défendre les dessus de ces derniers et paraissent donc irremplaçables.

En 1929, dès la prise de la présidence de la CORF par le général Belhague, celui-là s'inquiète à propos de leur efficacité. En fait, il semble alors moins préoccupé par le besoin de protection renforcée de ces cloches que par les missions multiples qu'on leur assignait : observations tous azimuts et tirs rapprochés, le tout avec un seul homme, faute de place (120cm de diamètre et tout le matériel indispensable et encombrant à y loger !).

Puis les inquiétudes du général semblent s'estomper et disparaître. C'est ainsi que, tout de même, 1000 de ces GFM furent installées sans doublage intérieur, alors que, de toute évidence, elles allaient être les premières cibles du prochain conflit ; ce qui n'a d'ailleurs pas manqué de se produire en 1940.

À décharge pour la CORF, on peut supposer que ces cloches, d'un diamètre extérieur maximum de 180cm, ont été jugées assez petites pour ne pas être gravement atteintes par les tirs tendus d'une artillerie de campagne considérée comme peu précise (tout au moins lors de la conception de la ligne Maginot). Mais nous n'avons trouvé aucun document probant, étayant cette supposition.


Ce qui devait arriver arriva en 1940...

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...par exemple, en juin 1940, la GFM du bloc 2 du Bambesch (SF Faulquemont) a été la cible des canons de 88mm allemands.
Photo Gérald_Goeltl.

La cloche a été fortement déchaussée, toutefois sans être percée. Cependant son guetteur, blessé, succombera à ses blessures deux jours après la chute de l'ouvrage (20 juin 1940).
GFM de 2ème génération

Cloches GFM de 2ème génération

GFM 1934 (appelée GFM type B)

En 1934 les tirs d'artillerie de campagne ont largement gagné en précision et la protection des cloches est devenue un problème crucial que les ingénieurs du Génie ont résolu avec la mise au point d'une cloche type B (celles de 1929 prenant alors le nom de cloches GFM type A).

Les GFM de type B sont intérieurement un peu plus vastes que leurs aînées (diamètre intérieur de 130cm au lieu de 120cm) ce qui permet de contrer l'effet mécanique Hopkinson en doublant leur cuirassement par une tôle de 20mm d'épaisseur.

En même temps on modifie la forme et la structure de leurs créneaux pour accroitre la résistance de ces derniers face aux tirs tendus.

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GFM type B.
Photo Luc_Maillot.


Et que deviennent les GFM déjà en place ?

Modification des GFM type A. Essais de 1937.

Mais les cloches de type A, elles, sont déjà installées et équipées. Leur faible diamètre intérieur (120cm), allié aux contraintes imposées par la présence des créneaux d'observation et de tir, empêchent alors de concevoir un doublage efficace et pratique.

En 1937, à l'occasion de l'installation des périscopes J2 (aide à l'observation des artilleurs) dans les cloches d'observation auxiliaires GFM de type A, un projet de doublage intérieur est mis à l'étude afin de servir à la fois de support pour le J2 et de protection contre l'effet mécanique Hopkinson.

Schéma, d'après un croquis du Génie (archives SMF9).
La protection de la cloche alliée au support du J2 est en jaune.
Dessin Cima.

Le prototype est constitué d'une calotte sphérique en tôle de 20mm d'épaisseur qui prend place au-dessus des créneaux. La calotte repose sur cinq entretoises reliées à une virole fixée à la cloche, sous les créneaux.


Installé avec difficulté en août 1937, au Grand_Hohékirkel (SF Vosges), ce prototype de structure complexe (et réduisant l'espace déjà étroit des GFM type A) ne donne pas satisfaction et est abandonné.
Photo Antoine.

Les périscopes J2, des cloches à équiper, seront fixés plus simplement sur la toiture existante !


Ces deux photos (pour lesquelles nous remercions l'auteur « ayant souhaité rester anonyme ») montrent que le prototype installé correspondait exactement au schéma de l'époque, que nous avons redessiné plus haut.

Et que vont alors devenir les GFM type A déjà en place ? Elles resteront sans protection contre l'effet mécanique Hopkinson, mais certaines...

...certaines seront modifiées en type B (ou presque) !


Cloches JM 1930

Modification des GFM 1929 en presque 1934

Il était évident que l'on ne pouvait ni « rogner » l'intérieur des GFM en place, ni les déchausser du béton pour les remplacer. Il restait donc à les modifier. Mais comment ?

Nous avons vu que la solution de leur doublage intérieur tentée en 1937 avait été abandonnée. Qu'allait-on pouvoir faire pour leurs créneaux ?

La solution adoptée fut de les réaléser pour permettre la mise en place d'un masque en acier moulé comportant un créneau identique à celui de la nouvelle cloche GFM 1934 (de type B).

Photo d'une cloche modifiée à la casemate CORF Le_Lièvre_Est (SF_Escaut).
Photo Cima.


Cette photo (GFM du B4 du Castillon. SFAM) permet de comparer l'aspect extérieur des créneaux, nouveaux et anciens.
Photo Heypsitt.

Remarque. Les contraintes administratives, et peut-être le manque d'entrain, firent que les travaux de renforcement des créneaux 1929 ne débutèrent que quelques mois avant la déclaration de guerre de septembre 1939 et ne purent concerner qu'une trentaine de GFM !


Une GFM modifiée a coûté la vie à son occupant, mais...

...mais les choses se seraient-elle mieux passées si elle n'avait pas été modifiée ?

Extrait du rapport du lieutenant Batigny_Gaston, du 54e_RIF, qui, en mai 1940, commandait la casemate CORF n°C6, dite casemate de la Drève_de_Saint_Antoine (SF_Escaut).
Nous sommes le 26 mai. La casemate est sous le feu allemand.

[...] Vers 10h55, le tir assez pressé semble s'effacer, le guetteur me signale des éclairs qui semblent correspondre aux coups reçus, les indications portées sur la carte donnent une distance de 1200 à 1300 mètres, un coup frappe encore, suivi d'un heurt violent à l'intérieur de la cloche. Chacun a entendu ce bruit.

Singulier, un grand silence se fait, rompu par de nouveaux coups qui seront les derniers. Je me précipite dans la cage de montée, le 2eme classe Louis_Grard ne répond pas, la trappe est d'ordinaire assez lourde, je demande à un soldat de la soulever, c'est chose impossible, Grard doit être tombé dessus. Nous pensons que la cloche a cédé. Je fais descendre le plancher mobile, Grard est étendu en arc de cercle, du sang coule de sa bouche, il est mort, complètement fracassé, bras, jambe, colonne vertébrale, menton. À son côté gît la couronne intérieure de fixation du châssis d'un diascope qui a cédé : cette pièce porte une faille, c'est un vice de fabrication. Le FM de cloche qui était fixé dans l'ouverture de ce diascope est rendu inutilisable, je n'ai plus de FM. La cloche est intacte, par contre le périscope est faussé. [...]


Cloches JM 1930

Cas des cloches JM 1930

Nous l'avons écrit plus haut : tout comme les GFM 1929, les cloches JM 1930 ne sont pas intérieurement doublées. Mais, contrairement aux GFM, elles sont largement enchâssées dans le béton et n'offrent donc que peu de prise aux tirs adverses.

Cloche JM du bloc 2 de la Ferme_Chappy (SF Crusnes).
Photo Sylvie_Laure_Lambert.


1934 : Adoption des AM (« Armes Mixtes »)

En 1934, on améliore la puissance de feu antichar des intervalles en équipant certaines fortifications en construction avec des armes à missions mixtes (AM) : des trumelages composés chacun d'un canon de 25mm (antichars) associé à deux mitrailleuses MAC31 (antipersonnel).

Les nouvelles cloches (cloches AM), réalisées pour ce nouveau matériel, possèdent un doublage intérieur anti-effet mécanique Hopkinson.

Mais que deviennent les « anciennes » cloches JM 1930 ?

Cloche JM de la casemate de la Drève de Saint_Antoine (SF_Escaut), transformée en cloche AM.
En 1940 elle était certainement moins « camouflée » qu'en 2012, année de prise de cette photo !
Photo Cima.

Les cloches JM 1930 ayant un diamètre intérieur de 140cm (contre 120 pour les GFM type A), on peut aisément les doubler avec une tôle de 2mm d'épaisseur.
C'est ce qui est fait sur la petite dizaine de celles transformées en cloches AM, avant-guerre.
Les autres, non transformées en AM, resteront sans doublage.



Pour clore ce dossier
Munitions à effet Hopkinson

Pour clore ce dossier...

Munitions à effet mécanique Hopkinson

Pour clore ce dossier et peut-être donner envie d'en savoir un peu plus sur l'effet mécanique Hopkinson,
mais hors du cadre de la ligne Maginot.

Quelques années avant l'an 2000, nous avons rencontré le Colonel d'Artillerie Roland_Gras, sur la place de l'ouvrage de Sainte_Agnès (SFAM). Nous avons longuement discuté de l'effet mécanique Hopkinson dont il nous a appris l'existence et, quelques jours plus tard, il nous adressait des documents dont voici un très bref condensé.


Après 1945 les britanniques mettent au point des projectiles à effet d'écrasement HESH (High Explosive Squash Head) destinés à produire un effet mécanique Hopkinson renforcé sur les blindages.

Agir sur quel facteur ?

Comme la dimension du ménisque dépend de la surface d'attaque du projectile, tout ce qui augmente cette surface est susceptible d'accentuer l'effet mécanique Hopkinson.

Écrasement du projectile

Plus la tête du projectile s'écrase et s'étale sur sa cible, plus le ménisque détaché est important. Aussi la munition HESH agit-elle en deux temps :
-1er temps : la tête de l'obus s'écrase et s'étale.
-2ème temps : la charge explose (sur la tête bien étalée).

Incidence du projectile

Un tir sous incidence augmente la surface de contact entre l'explosif et le blindage. Il améliore donc les performances du projectile !

D'après les documents du Colonel Roland_Gras, les études en situation montrent que l'angle d'incidence optimal est de 40° et qu'à partir de 60° les risques de ricochet réduisent fortement l'efficacité des HESH.


Test

Test sur cet effet mécanique Hopkinson, pour se détendre.

Avant d'aller consulter un autre dossier, si le cœur vous en dit... nous vous proposons un petit test sur l'effet mécanique Hopkinson.

Clic : accès au test


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Remarque :
Sur cet effet mécanique Hopkinson, nous avons aussi mis en ligne un « dossier n°1 : effet sur le béton ».

Compléments...

Compléments...
Etc.

Commentaires d'Internautes

Bonsoir Raymond, merci et meilleurs souhaits pour cette année nouvelle qui, j'en suis sûr, ne manquera pas d'être attrayante avec tes supers reportages. Porte-toi bien.
Amicalement. Jacquy .
Molte grazie Mr. Cima e buon anno ! Zulu1956
Bonjour Raymond, merci, très bien, nous sommes très intéressés. Cordialement. Inge et Dieter.
Merci pour cet article bien intéressant ! Charles L.
Chouette article. Laure-Sylvie L.

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E-R Cima, kaff.