../s3_ae.gif Ligne Maginot - Histoire. 1940. Guerre franco-allemande. Oflag XB. Vie quotidienne.
1940. Guerre franco-allemande. Oflag XB. Vie quotidienne
Dossier réalisé à partir de documents de M. Jacques Mercier, de Mme Coralie Aublanc Burlot et de M. Jean-Pierre Duhard, que nous remercions vivement. E. et R. Cima.
Introduction

Introduction

Ce dossier a été réalisé à partir de divers documents dont un dactylo-script de 12 pages d'origine inconnue (inconnue du fils du Capitaine, qui le détient dans ses archives personnelles). Il a été rédigé par un officier prisonnier entre le 29 mai 1940 et le 1er janvier 1941. Ce dernier écrit ce texte à l'adresse des familles d'officiers prisonniers. Nous considèrerons ce document comme un témoignage brut et ne ferons donc aucun commentaire quant aux jugements de valeur qui le jalonnent et qui pourraient être sujets à polémiques. (E-R Cima)

Les extraits de ce dactylo-script sont en caractères gras, italique, repérés par "DS").

OFLAG XB
Une journée type

OFLAG XB

Une journée type

photos/oflag_xb_7.jpg Une des chambres.
DS. On se lève quand on veut. Vers 7 heures discrètement des portes s'ouvrent. Alors se dirigent vers les lavabos les gens habitués à se lever tôt : ceux qui aiment se lever à l'aise, les méditatifs qui aiment à faire solitaires un tour de camp dans le silence, les amateurs de beaux levers de soleil, ceux qui veulent aller à la messe dite vers 8 heures.
Bientôt après retentit, dans le couloir, le pas pesant des ordonnances qui viennent chercher les brocs pour la "glandine" (l'équivalent ? de notre "jus"). Ils vont le chercher à la cuisine. Pour le boire bien chaud, la plupart des officiers se lèvent dès qu'il arrive à la chambre, vers 7h30 à 8h.
Vers 8h30 un officier de la chambre de jour passe pour relever le nombre et le nom des malades.
A ce moment, c'est la grande foule aux lavabos où l'on doit faire la queue.

On ne fait pas la queue uniquement aux lavabos. Sur la porte des wc de la baraque 7 un écriteau le confirme, avec humour.

photos/oflag_xb_wc.jpg Inscription : Officiers de la baraque 7. Hâtez-vous ! Nous sommes environ 460 et nous ne disposons que de 4 sièges ce qui fait 460/4=115 par siège.
Nous ne pouvons les utiliser que de 7 heures à 22 heures soit pendant 15 heures. En déduisant 1/2 heure pour le repas et 1/4 d'heure par appel il reste 14 heures.
Nous disposons donc pour nos opérations de vidange de 14/115= 7 minutes 18 secondes.
Pensons aux camarades qui attendent et pressons-nous!
DS. À 8h45, premier coup de sonnette, donné par la chambre de jour : les paresseux s'étirent dans leur lit. À 9h moins 5 deuxième et dernier coup : les paresseux bondissent, s'habillent en courant. À 9h tout le monde est rassemblé devant ou à côté de la baraque, par rang de 5, par paquets de 50. L'officier allemand arrive, accompagné d'un sous-officier ou d'un soldat. Le "Baraken-Führer" français présente la Kompagnie, annonçant le chiffre des présents, des malades couchés, tend le billet d'appel. L'officier allemand passe alors devant les rangs en comptant. Pendant ce temps le soldat qui l'accompagne va vérifier la présence des malades dans les chambres.
Chaque officier allemand passe l'appel à 3 ou 4 baraques. On ne rompt les rangs que lorsqu'ils ont fini. Cela n'empêche pas, en attendant, de causer ou de faire des parties de boules de neige.
L'emploi du temps qui suit dépend de l'heure du déjeuner, celui-ci varie chaque semaine. On passe par groupes de 500 toutes les 45 minutes, de 10h15 à 2h environ. À tour de rôle, on mange à 10h15, 11h, 12h30. Le service de 11h45 est réservé aux ordonnances.
Habituellement, le matin commence par une promenade de 3 ou 4 tours de camp : environ une heure de marche avec quelques "pays" venus vous rejoindre. À la fin, si on ne l'a pas fait la veille, on va lire les nouvelles affichées par les traducteurs. Les baraques 2 à 9 avaient un "journal" très fréquenté.
Ceux qui ont des colis se précipitent vers la baraque 12, avec leur musette, un sac. La distribution du matin commence après l'appel.
Pendant la promenade, la chambre est balayée, mise en ordre, les paresseux vont se laver enfin.
Si l'on mange dans les premiers, on attend l'heure en bavardant, sinon on va faire des achats à la cantine (quand elle ouvre), on commence un bridge, on fait son heure d'allemand, de latin, en attendant la première distribution de lettres, vers 11h. Il n'y en a pas toujours, hélas !
Quand le tour de la baraque arrive, par chambre on va au réfectoire, toucher sa gamelle ou son assiette de sauce. On s'assied par 6 devant la table chargée de "kartoffeln" (pommes de terre) en robe de chambre.
Le repas fini, retour à la chambre où on le complète, si on peut, où l'on bourre sa pipe en lisant les journaux allemands distribués au début de l'après-midi.
Ensuite, c'est le moment de la lecture (de la sieste), c'est le temps des cours et conférences. Il y en a toujours une qui attire. Si elle n'a pas lieu dans la chambre on y a avec le tabouret à la main ou sur la tête.
Vers 3h30 de nouveau "glandine" ou tisane. Dans la soirée, la chambre de jour est allée percevoir, à la cuisine, le repas du soir, qui sera pris à domicile. Elle procède à la distribution par chambre ; les officiers de jour, dans chaque chambre, lui apportent des récipients vides, vont les rechercher pleins (?) avec le pain. Alors a lieu la répartition par officier.
Dans la soirée, deuxième distribution des colis et des lettres.
À 5h, appel comme le matin. Immédiatement après, quelques groupes se forment pour la prière du soir. On fait un dernier tour de camp avant que les portes soient closes. La chambre de jour ferme les volets. Les cuistots se mettent au travail. Entre 6 et 7h on dîne.
Après avoir joué, lu, travaillé, chanté, vers 10h on se couche. Les travailleurs acharnés, les lecteurs passionnés, vont s'installer dans le couloir jusqu'à 11h-minuit. Alors c'est le calme, troublé assez fréquemment par la sirène : les avions anglais sont sur Brème, Hanovre. Beaucoup, habitués, n'entendaient rien. Personne ne bouge. Il n'y a aucun danger, les abris construits primitivement entre quelques baraques ont servi à faire du feu.
Les repas

Les repas

photos/oflag_xb_repas.jpg Repas dans une chambre.
DS. Ils sont une des occupations principales de la journée. J'ai déjà indiqué les horaires. Voici le menu :
A la "glandine" du matin, que rien n'accompagne, ceux qui le peuvent ajoutent du sucre (ou de la saccharine vendue à la cantine), du lait condensé, du chocolat pulvérisé.
Pour le déjeuner, servi au réfectoire, il y a deux genres de plats : la "gamelle" et les "pommes de terre".
La "gamelle", servie au guichet dans un récipient d'une contenance d'un litre, consiste en une soupe aux pommes de terre, au soja, au rutabaga, aux nouilles (gamelle axe), au riz. Il y a parfois des traces de viande ou de lard.
Les "pommes de terre", cuites en robe de chambre, sont déposées (un seau à confiture par table) près d'un kilo par officier. On passe au guichet chercher une assiette de sauce au lard ou à la morue. Assis par 6 à table, on partage le tas de pommes de terre, on les épluche et on les écrase dans la sauce. On en garde toujours quelques-unes pour le soir. Sur les tables on trouve du sel. C'est tout. Pas de pain, pas de dessert.
photos/oflag_xb_distribution_sauce.jpgGuichet de distribution de sauce. photos/oflag_xb_pdt.jpg Le tas de pommes de terre.
DS. Au thé de 3h30 on ajoute quelques biscuits de guerre si on en a.
Le repas du soir, si on s'en tient à la distribution, consiste en une "entrée" ou un "dessert". Avec les 225g de pain, on ne perçoit, en effet, qu'un morceau de pâté ou de boudin, avec une ou deux cuillerées de graisse. Bienheureux sont les jours où le pâté est du vrai pâté !
Grâce à l'ingéniosité de quelques fumistes, on a pu fabriquer de petites poêles avec des boites de conserves, ou aménager les grands poêles des chambres, grâce aux colis, on arrivait à manger chaud, soit une soupe Kub, soit des pommes dorées dans la graisse bouillante ou à l'étouffée.
Tout ce qui est légumes secs, nouilles, fécules, peut être utilisé. Avec du chocolat et des biscuits, on fait de très bons gâteaux.
Pendant l'automne, la cantine nous a fourni des salades, cornichons, concombres, céleris, choux, carottes, tout cela a été bien utile et utilisé.
Comme de l'eau, on perçoit deux bouteilles de bière par semaine. On a 3 à 4 fois quelques bouteilles de vin du Rhin, à Noël spécialement où l'on a pu réveillonner ainsi dignement.
photos/oflag_xb_boursat4.jpg

Au dos de ce menu de Noël, outre quelques signatures il est noté : «A notre sympathique et très habile Boursat qui, pour nous chaque jour, des noces de Cana, renouvelle l'étrange et utile miracle et nous rend comestible une infâme barbaque.»

Occupations

Occupations : cours, conférences, musique...

photos/oflag_xb_bridge.jpg Jeu de bridge.
DS. Comment tuer l'ennui entre les repas ? Comment ne pas perdre son temps à toujours jouer au bridge ? Il faut s'instruire. Dès le début, malgré les lancinements de la faim, on se met à l'étude de l'allemand. Bientôt des conférences s'organisent. Maintenant on ne les compte plus. On étudie l'allemand, l'anglais, l'italien, l'espagnol, l'arabe... On parle de tout... on professe sur tout : Sciences, Mathématiques, espaces de Riemann, Histoire, Philosophie, Droit, Théologie, Pédagogie, Viticulture, Arboriculture, Géographie, Colonies, Expositions de chiens, Chasse, etc. etc. Il y a eu des causeries sur Pascal et les "pensées", sur "Morale et religion". Le cercle d'études national a organisé une série de conférences sur l'enseignement en France. Grâce aux apports de divers officiers, on a pu reconstituer l'histoire des batailles de la Meuse, de Belgique, de Lorraine.
photos/oflag_xb_lecture.jpg Salle de lecture. photos/oflag_xb_atelier.jpg Atelier.
DS. Tout cela est fait par des spécialistes de plus en plus documentés.
Grâce aux nombreuses fournitures du service «dessin», les artistes ont pu organiser 3 expositions. Elles furent remarquables, continuellement en progrès. Tous les genres étaient représentés : portrait, nature morte, caricature, plan d'une église, peinture à l'huile, gouache, fusain, etc.
La sculpture y avait aussi sa place. Ah ! les jolis jeux d'échecs, le beau service de cuisine que j'y ai vu ! L'ingéniosité et le talent français triomphant de toutes les pauvretés.
photos/oflag_xb_expoflag1942.jpg «Expoflag» de juin 1942. Objets divers. photos/oflag_xb_expoflag2.jpg photos/oflag_xb_expoflag1.jpg
DS. Avec tout cela, on ne peut vraiment pas s'ennuyer au camp ; on manquerait plutôt de forces que de besogne.
Si on ajoute à cela que nombreux sont les professeurs et les fervents de gymnastique, on voit qu'il n'y a pas lieu de craindre que les facultés des prisonniers s'atrophient ou qu'ils se laissent "aller" au sens tragique du mot.
photos/oflag_xb_foot.jpg Les sportifs du camp. Le S/LT Boursat est au premier rang, à gauche.
Les spectacles

Les spectacles.

photos/oflag_xb_nouslesgrands.jpg "Nous les grands".
DS. Des artistes ont réussi à se procurer des instruments de musique : piano, violons, violoncelles, etc. et de la musique. Tous les dimanches il y a un concert avec explications.
D'autres artistes ont monté une troupe de "cabaret". Les routiers vont de chambre en chambre chanter et faire chanter leur répertoire si riche. Ils ont donné, avec le concours de la chorale, une belle séance de Noël, comportant la représentation d'un mystère de la Nativité par l'équipe d'art dramatique du Clan Notre-Dame de France.
photos/oflag_xb_theatre1.jpg En octobre 1941, représentation de "La fleur d'Oranger" de André Birabeau et Georges Dolley.
photos/oflag_xb_theatre2.jpg
photos/oflag_xb_theatre3.jpg Séance de répétition pour "La fleur d'Oranger" (Répétition de la scène ci-dessus).
photos/oflag_xb_theatre4.jpg Spectacle de variétés. photos/oflag_xb_concert.jpg Au dos de cette photo, le Capitaine JM Mercier a écrit : "Concert de variétés 1940".
Le courrier reçu

Le courrier reçu

photos/oflag_xb_5.jpg Arrivée des colis, en sacs plombés.

Les colis

DS. A la base de toute cette activité, il y a les colis fournisseurs de nourriture et de livres. Tant qu'ils n'arrivèrent pas, il fallait rester sur les lits. Sans eux on a faim et ventre affamé n'a point d'oreilles, même pour la plus belle des conférences.
À l'Oflag XB, ils arrivent bien. Au début, les services de distribution furent un peu embouteillés. Depuis décembre, on a pu distribuer jusqu'à 5000 colis par jour, au cours d'une double distribution.
Je ne pense pas que des colis se soient perdus au camp. Les wagons arrivent plombés. Les sacs plombés sont déchargés par des soldats français, ouverts au camp par des officiers français qui les trient sous la direction des allemands. Les colis sont alors classés, fichés, numérotés. À midi et à 5 heures du soir, on affiche les listes de numéros (suivis du nom des destinataires) qui seront distribués le soir même ou le lendemain matin.
A l'heure de la distribution (9h30 et 3h) les colis sont apportés à la salle réservée à cet effet. 3 guichets fonctionnent : le premier pour les lettres A-F, le second pour les lettres G-M, le 3ème pour les autres lettres. Des officiers français passent les colis, un officier appelle dans l'ordre les numéros, deux autres coupent les ficelles, un soldat allemand ouvre le colis sous les yeux du destinataire à qui il donne le contenu autorisé.
Les boites de conserve doivent toutes être ouvertes en principe. En fait les boites industrielles : sardines, pâtés, ne le sont que quelques fois et sont remises immédiatement. Pour les autres, le destinataire a le choix entre l'ouverture immédiate ou la mise en dépôt dans une armoire spéciale d'où il pourra venir la retirer, ouverte, quand il voudra. Les boites sont étiquetées, le déposant reçoit un double. Les enveloppes de chocolat sont souvent entrouvertes. Les étiquettes en papier des boites de conserves sont enlevées. Les pains sont coupés en deux ou plusieurs morceaux.
Tous mes colis sont bien arrivés et intacts en 15 ou 20 jours.
Ce qu'on est heureux d'y trouver ? Que faut-il y mettre ? Ce qu'il faut pour vivre, compléter le régime : bœuf, veau, daube, saucisse, lard, poulet en hachis, civet, chocolat, lait condensé. Grâce aux poêles, ils peuvent cuisiner, faire cuire des soupes, des légumes secs, pâtes, riz, des semoules, farines de légumes, du thé, café, etc. etc.
Montez-leur une petite épicerie. Ils ont peu de sucre et de graisses. N'oubliez pas les cigarettes, le tabac pour les fumeurs et leurs camarades. Je n'aurais jamais cru que la privation de tabac fut si pénible à supporter. Que d'énervements dissipés par une bonne pipe... et quelques livres de lecture... en plus des livres de travail qu'ils vous demandent.
Cela suppose de nombreux colis. Le principe raisonnable pour la France est celui d'un colis d'un kilo par semaine et par correspondant, plus un colis de 5kg par mois où l'on met du substantiel ou du linge. Quel est le prisonnier qui n'a pas plusieurs correspondants ? Ne pas oublier que tout est mis en commun ; les officiers de la zone occupée ne doivent pas souffrir du manque de ravitaillement.

Les lettres

DS. Je dirai pareille chose pour les lettres expédiées de France. Les censures allemandes avaient adopté cette mesure à notre camp, je pense. Je recevais pour ma part, par semaine, 5 ou 6 lettres ou cartes de correspondants différents. Je crois que ceux qui n'en avaient qu'un n'en recevaient qu'une ou deux.
Les prisonniers de l'Oflag XB n'ont pas eu de cartes -avis de réception-. Ils doivent y consacrer une partie de leur courrier. Il faut les excuser s'ils ne remercient pas tous leurs expéditeurs de colis.
Il faut être à l'aise avec les prisonniers en leur écrivant. Ne pas dire des riens. Bien sûr ils savent que vous les aimez, ne les oubliez pas. Donnez-leur des nouvelles de votre famille, de votre commune, de la ville, de la France, des nouvelles de leurs camarades de régiment, etc. sans phrases. Pas de racontars qui suscitent de faux espoirs. Dites-leur votre foi dans la France. Vous pouvez leur envoyer des photos avec votre adresse, sans inscription dans les lettres.
Le courrier envoyé

Le courrier envoyé

DS. En principe, depuis janvier, les autorités allemandes avaient promis de laisser partir 4 correspondances par mois : 2 lettres et 2 cartes. Ils ont tenu parole.

Les courriers doivent être écrits sur des formulaires spéciaux.

photos/oflag_xb_postkarte.jpg Recto de carte postale (adressée à la mère du Capitaine Mercier).

L'écrivain Jean-Pierre Duhard (voir le lien dans "Pour en savoir plus") a acquis un millier de courriers de prisonniers, dans diverses ventes, et a fait en sorte que « ces lettres orphelines ne disparaissent pas des mémoires en les publiant sur atramenta ». Nous le remercions de nous en avoir adressé une, écrite par le capitaine Paul Touraine (11e régiment régional), prisonnier de guerre à l'Oflag XB.

photos/oflag_xb_lettre_touraine.jpg Recto et verso de lettre (adressée à l'épouse du Capitaine Touraine). La place était comptée ; il n'était pas question d'écrire tout un roman.

photos/oflag_xb_lettre2_touraine.jpgClic : pour lire la lettre écrite par le capitaine à son épouse (une lettre toute personnelle et pleine d'amour).

Le moral

Le moral

photos/oflag_xb_tunion.gif Extrait du "Trait d'Union", N°3 juillet 1940. Journal en français, imprimé en Allemagne et distribué gratuitement dans tous les camps.
DS. Vos lettres peuvent beaucoup pour le maintenir au haut niveau qui est le sien habituellement. Il est délicat de porter un jugement général en cette matière, alors que les officiers sont si nombreux et fort restreints. Par contre le chiffre de ceux que l'on peut connaître. Cependant je ne crois pas me tromper, je suis sûr que là-bas tous pensent en français. Grâce aux conférences, aux cours, aux promenades, aux cartes, on n'a pas le temps de s'ennuyer et de ruminer sa peine. Les crises de "cafard", la nostalgie qui suit la lecture d'une lettre, la contemplation d'une photo, ne peuvent durer, tant sont ingénieux les camarades pour vous aider à vous débarrasser de la "bête" mortelle.
Bien sûr, il y a des désemparés, il y a des jeunes, des hésitants, mais dans l'ensemble, la masse, faite d'officiers de carrière, d'ingénieurs, de catholiques, de français, voit et pense juste et français.
On a les nouvelles par les journaux allemands et le "trait d'union", ce journal en français imprimé en Allemagne, qui est distribué gratuitement dans tous les camps 2 fois par semaine. Ils ont maintenant les journaux français de la zone occupée (journal officiel, l'illustration, la Gerbe, la Matin, Paris-soir), des journaux belges. On ne comprend pas grand-chose aux événements de la France. On sait ce qui se passe en Afrique.
On aime Pétain, le chef légitime, le sauveur de la France. On se tient et le cœur reste chaud pour être aimés de la France. Ah ! Les longs regards que j'ai surpris, souvent posés sur la photo de la mère, de l'épouse, des enfants, le soir avant de s'endormir. Que c'est grand, que c'est beau des hommes comme ceux-là, ces vrais camarades solidaires dans la faim et dans l'abondance, arrondissant les angles sans cesse, si bien qu'ils ne veulent plus se quitter quand il faut desserrer les chambres.
Les cultes religieux

Les cultes religieux

photos/oflag_xb_chapelle.jpg La chapelle.
DS. Beaucoup, pour supporter l'épreuve, ont la force des secours religieux. Il y a un groupe protestant très fervent : une trentaine d'officiers se réunissent autour de deux pasteurs (le Capitaine Gothie et le Capitaine Bost). Dès le début ils eurent toute facilité ; le camp étant en pays protestant et le colonel allemand commandant l'Oflag l'étant aussi.
Pour les catholiques, l'organisation du culte fut plus lente à venir malgré le nombre de prêtres au camp (70). Au début, pas de messe en public : seulement une messe quotidienne dans la chambre des aumôniers militaires. On eut ensuite la messe le lundi, tous les quinze jours, dite par monsieur le curé de Nienburg. Après le 15 août où nous pûmes chanter la messe en français, la messe fut hebdomadaire. Enfin on en arrive à l'organisation actuellement parfaite : messe quotidienne accessible à tous. Deux messes le dimanche avec chants et sermon. Étant donné la pénurie de vin, les prêtres ne pouvaient dire la messe en janvier, qu'une fois tous les 5 jours.
Le RP Rimaud des "études", spécialiste des questions scoutes et pédagogiques, prit en main, dès le début, la direction spirituelle du camp. Le RP Doyere, commissaire principal de la marine, bénédictin de l'Abbaye de Nisque, doit lui succéder. Il y a eu des cours de théologie pour les séminaristes et pour les laïques. Par des causeries, des conversations individuelles, il se fait un travail d'approfondissement dans les âmes déjà chrétiennes, un travail de réflexion chez beaucoup d'autres, qui a donné déjà des résultats.
Les scouts-routiers catholiques, pleins d'allant, créant dans le camp une atmosphère jeune joyeuse, rendent beaucoup de services et ont su gagner de nombreux camarades au mouvement.
La vie continue

La vie continue...

DS. Les prisonniers ont un ordonnance pour deux chambres ; il cire les souliers, allume le poêle, balaye, fait la vaisselle chez les uns, tantôt chez les autres, va cherchez le "jus".
Tous les dix jours, ils touchent la solde, une somme fixée dès le début, proportionnée aux galons, dépassant la solde nette pour ceux qui ont fait une délégation de solde complète. Tout sera à réajuster. Ils ne dépensent pas le tiers de ce qu'ils touchent. Ils laissent en dépôt à la Kommandantur le surplus et peuvent l'envoyer en France. Ils n'ont pas besoin qu'on leur envoie de l'argent.
Derrière les barbelés, ils tournent en rond, les yeux lassés du même paysage plat, terne. Où donc est-il le ciel français, le charme des Pyrénées, le soleil de Provence ? À peine voit-on ce clocher protestant qui se dessine là-bas à l'ouest, au-dessus des arbres, à droite de la caserne. Les grandes ailes en mouvement d'un moulin à vent fixent les yeux un moment. On s'arrête à écouter le croassement de centaines de corbeaux. Vers l'est la masse sombre de la forêt, sur la colline, distrait un peu, surtout avec la même tâche blanche que l'on y voit (carrière de pierres). L'on s'attarde à regarder passer les trains en longeant les barbelés du nord.
Là-haut, dans son mirador à mitraillette et projecteur, le "Posten" tape du pied. Rentrons vite dans la chambre. "Tuyau" crie tout le monde... je vous annonce que tout le monde part demain. Le colonel Klein l'a dit à un officier français qui fait son portrait.
Hélas, nul ne sait quand ils reviendront. Ils n'aspirent qu'à cela mais dans l'honneur. Que Pétain ne les achète pas au détriment de la France. Puissent-ils bientôt y revenir travailler à son redressement dans la liberté et la joie de la famille retrouvée.
Pour en savoir plus...
Etc.

Pour en savoir plus...

Etc.

Nos autres documents connexes

Commentaire d'internaute

Je tiens à remercier M. Jacques Mercier et Mme Coralie Aublanc Burlot, pour leur travail sur l'oflag XB, qui m'a passionné. Je suis le petit fils du commandant Cadennes Ambroise, prisonnier de l'oflag XB de juin 40 au 14 juillet 1942, date de son décès. J'ai mis en ligne les photos de son enterrement : http://nicolas.cadennes.free.fr/famille/ambroise_cadennes/
D'autre part, j'ai mis en ligne récemment des dessins de la vie quotidienne dans un oflag (j'ignore lequel, et ne connais pas l'auteur personnellement) http://cadennes-mignan.fr/?p=54
Nicolas Cadennes
.
.
Kiosque

Pour en savoir plus...

Kiosque

.
.
.
.
.
.
Kaff