Introduction. René Magnien (1880-1952)
Le général René_Magnien s'est illustré en tant que commandant du SFAM au cours de la guerre franco-italienne de juin 1940.
Le général René_Magnien s'est illustré en tant que commandant du SFAM au cours de la guerre franco-italienne de juin 1940.
René Alphonse Joseph Magnien. Né à Touques_ en 1880, près de Trouville_ (Calvados_), il décède le 10 août 1952, à Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie).
Marié, six enfants. Deux de ses fils sont tués à la guerre, en mai 1940, à quatre jours d'intervalle !
Après de brillantes études à l'école Polytechnique (1901-1903) il en sort officier affecté au 13e Régiment d'artillerie.
Après quelques années d'application dans les corps de troupe il est envoyé au front, au cours de la première guerre mondiale.
Les hostilités ayant pris fin, il intègre la section technique du ministère de la Guerre où il reste jusqu'en 1934.
À cette époque, promu colonel il prend le commandement du 157eRAP à Nice_, puis, passé général, il dirige le SFAM dont il coordonne la montée en force de la fortification.
En juin 1940 il est toujours aux commandes de ce SFAM qu'il a parcouru et façonné pendant plusieurs années ; aussi lui fait-il jouer toute sa puissance face aux italiens qui, en 15 jours, ne réussissent qu'à déborder quelques avant-postes malgré les forces importantes qu'ils déploient.
L'armistice signé avec l'Italie, atteint pas la limite d'âge il est versé dans le cadre des réserves et reçoit la cravate de Commandeur dans l'ordre de la Légion d'Honneur.
Réfugié avec son épouse à Saint-Gervais-les-Bains, où il avait déjà séjourné avant-guerre, il se consacre désormais à la vie associative chrétienne. A ce sujet voici un extrait du document paroissial qui s'en félicite :
La mémoire collective de la famille Magnien présentant quelques contradictions après tant d’années, j’ai interrogé Odile - l’une des petites filles du général - et Marie Joseph sa maman, - l’une des filles du général - puis deux autres de ses filles, Francette et sœur Guite_Mie, la plus jeune. Ce qui suit est donc la synthèse des souvenirs de quatre personnes très attachées à St Gervais mais nous n’en garantissons pas toute l’objectivité.
Le général René Magnien, basé à Nice_ au « Grand_Palais » sur les pentes de Cimiez, a participé à la guerre de 1939 à 1940 comme général d’artillerie des forteresses des Alpes Maritimes qu’auparavant il avait contribué à renforcer : forts de Ste Agnès, Roquebrune, Sospel, etc. c'est-à-dire le prolongement méridional de la fameuse Ligne Maginot. C’est ce qu’on a appelé le SFAM : Secteur Fortifié des Alpes Maritimes.
Le front des Alpes, face aux italiens de Mussolini, était resté calme durant l’invasion du nord et de l’est de la France par les allemands d’Hitler à partir du 10 mai 1940. En effet ces italiens, alliés des allemands, attendaient quelle tournure pouvait bien prendre ce conflit avant de s’engager à leur tour : courageux ? Pas vraiment téméraires ! Sûrs de la défaite de la France, ils attendront le 10 juin 1940 pour déclarer la guerre à la France déjà moribonde en attaquant toutes les positions françaises des Alpes et de Nice_. Ils se heurteront alors à des troupes et des ouvrages fortifiés bien défendus, solides, et malgré les moyens considérables mis en œuvre, ils ne parviendront pas à entamer la frontière d’une manière significative.
L’armistice signé à Compiègne le 21 juin consacrait la défaite des armées françaises sur les fronts allemands mais laissait victorieuse celles du front sud-est. Le Général Magnien est donc l’un des officiers supérieurs à n’avoir pas été vaincu durant ce conflit, ce dont les familles Magnien, le Bras et Hemmer qui en sont issues seront assez fières.
Le Général Magnien est ensuite démobilisé mais nous n’avons pas beaucoup de précisions sur ses activités de la fin de 1940 et des années 41 et 42 sinon que celui-ci, sa femme et sa petite dernière (Guite_Mie) vont alors passer les étés à St-Gervais-les-Bains, à la « Planchette » et s’y trouvent très bien.
Devant quitter Nice_, ne souhaitant pas probablement rejoindre Neuilly en zone occupée par les allemands et cherchant une acquisition immobilière dans ces Alpes qu’il aime tant, il lui est proposé d’acheter un important lot à St Gervais même puisqu’il s’agit :
-d’une part des Villas Louisa et Les Vergers constitués d’un seul immeuble de 3 étages (construit au début du siècle pour loger les ouvriers de la construction du TMB dit-on)
-imbriqué, c’est le mot, d’autre part dans la Villa Fausta (plus ancienne puisque construite en 1832), elle aussi assez vaste.
L’histoire racontée en famille veut qu’un soldat démobilisé, souhaitant acquérir ces propriétés (drôlement fortuné le bonhomme !) et apprenant qu’un général le désirait aussi se serait désisté par respect de la hiérarchie... serait une belle légende.
En définitive, il trouve une solution en persuadant sa fille Francette Hemmer dont le mari est en captivité d’acquérir Louisa Les Vergers, gardant pour lui-même la Villa Fausta dans laquelle ils s’installent avec sa femme Marie Louise et Guite_Mie assez rapidement. Les anciens propriétaires, un montagnard artisan veuf, sa fille Faustine et son fils infirme qui tenait un petit atelier « au bout du verger » peuvent en conserver la jouissance quelque temps encore.
L’état de Fausta est assez rudimentaire, bien au-dessous des critères de confort de l’époque pourtant peu exigeante surtout dans les années d’occupation. Les pièces sont nombreuses mais sans chauffage : « les matins d’hiver - raconte Guite_Mie - quand on descendait dans le salon, la seule pièce chauffée seulement pendant la journée, il nous arrivait de nous écrier : « Oh, qu’il fait bon ! » avant de constater qu’il y avait de la glace à l’intérieur des fenêtres et que le thermomètre affichait péniblement zéro degré ! Il faut dire qu’il faisait ailleurs dans les pièces moins sept ! »
Les sanitaires sont eux aussi très rustiques, comme la cuisine. Cette importante surface habitable pourra toutefois très bien convenir aux vacances d’été des familles Le Bras et Hemmer déjà fort nombreuses en 1950 (14 enfants au total), il y a en effet un lavoir dans le jardin et des WC en bois.
Durant les difficiles années de guerre où toutefois les problèmes d’approvisionnement n’en sont pas vraiment dans cette région agricole et d’élevage, Guite_Mie qui avait alors 20 ans raconte qu’elle faisait le catéchisme à cinq rudes garçons, allait l’hiver à la messe en luge dans la chapelle proche du « Berchat », organisait à Fausta de nombreuses « conférences » philosophiques pour des auditoires de sept ou huit jeunes comme elle (il n’y avait pas la télévision !), tenait des réunions d’Action Catholiques avec le compositeur Jacques Ibert et sa femme, remplaçait pendant un an la professeur de mathématiques de seconde chez Mademoiselle Dejay où ses élèves étaient à peine moins âgés qu’elle, avant de rejoindre la faculté de Grenoble en 43-44 pour y terminer ses études de physique puis intégrer le noviciat en 1945 à 23 ans.
Le général, de son côté, disponible de son temps, devient « le second vicaire » de la paroisse de St-Gervais et héberge dans Louisa des familles juives immigrées (l’un d’entre eux prendra d’ailleurs le général pour un menuisier en le voyant fréquemment dans son atelier : il en sera très fier !). Dénoncés probablement, ils seront déportés par les allemands après leur occupation de la zone libre.
C’est à Fausta aussi que les Magnien apprennent seulement en 1944 la mort de leurs deux fils tués dans la Somme_ en mai 1940 à quatre jours d’intervalle [Jean-Marie né en 1911, à Polytechnique en 1930, et Pierre]. Leurs noms sont d’ailleurs gravés sur les monuments aux morts de St Gervais, manifestant ainsi l’appartenance affective de leurs parents en ces lieux que leurs garçons n’ont pu connaître.
Après les dures épreuves de la guerre, les familles ont bien besoin de se retrouver pendant les vacances, elles ne s’en privent pas et ainsi Fausta (on dit désormais « chalet » et non plus « villa ») devient LA maison familiale où beaucoup se retrouvent tous les étés à partir de 1945. En revanche les mois d’hiver qui y sont plus rudes n’empêchent pas de nombreux enfants d’y faire avec des amis de brefs mais intenses séjours de ski.
Malgré l’inconfort, le couple Magnien va y vivre en permanence encore quelques années, avec parfois Odile qui y reste avec ses grands-parents à l’âge de 6 ans, avec aussi Josie par deux fois, et ne revient à Neuilly que pour les fêtes en famille de fin d’année.
Le « Général », c’est ainsi que tous l’appellent dans la ville, y crée la Croix Rouge, participe lui aussi au catéchisme (Roger Tuya, maçon de son état, dira qu’il y était assez sévère !), fait aussi des conférences dans tout le Diocèse sur la doctrine sociale de l’Église pendant que sa femme tient l’orgue de l’église. Ils organisent les kermesses de la paroisse dans leur verger.
L’abondance de livres et de revues culturelles au chalet prouve qu’ils ont tous deux une intense activité intellectuelle. On parle aussi de l’amiral Auger, voisin proche, comme partenaire de bridge.
Le général arrête la plupart de ses activités après sa première crise cardiaque qui le prive de la parole pendant quelques jours, il est aussi opéré de la prostate, il sait alors sa vie en sursit.
Le dimanche suivant la St Alphonse (l’un de ses « patron »), il tient tout particulièrement à aller à la messe malgré les malaises persistants. Se sentant de plus en plus mal, il ressort de l’église à l’offertoire et meurt sur le coup aux bras de sa femme, devant chez « Maudamez » où son corps est reposé provisoirement. C’était le 10 août 1952. Il est enterré le 13 août, le drapeau français recouvre son cercueil, quatre chasseurs alpins l’escortent, un autre présente ses décorations sur un coussin, un Monseigneur préside l’absoute, l’assistance est considérable : c’était une belle cérémonie !
Guite_Mie, très fière de son père et qui racontait ce qui précède, tient à préciser qu’il était :
Son corps repose dans le cimetière de St Gervais où il est rejoint en 1991 par celui de Patrick, fils quasi adopté de Marie Claire, mort prématurément à l’âge de 22 ans. C’est ainsi qu’un général « glorieux » et honoré voisine maintenant avec un paumé de la vie, un pauvre être mal aimé dans son enfance, rejeté par ses parents, martyrisé dans son orphelinat avant d’être recueilli... c’est une justice posthume !
Marie Louise, sa femme, ne veut plus rester en Haute Savoie à dater de ce jour et retourne définitivement à son appartement de Neuilly_sur_Seine, elle n’y remettra jamais plus les pieds.
Quelques années après, le chalet est légué en « donation-partage » à Francette et Marie Joseph et celui-ci n’est plus ouvert que pendant les vacances d’été et d’hiver.
Puis le chalet revient à Marie Joseph par rachat de parts tandis que Francette reste propriétaire de Louisa_Les_Vergers tout à côté.
C’est en 1970 que Marie Claire se fait nommer institutrice dans la région et s’installe avec Michel Lerouge dans le chalet. Michel professionnel dans le bâtiment à l’Education Nationale contribue considérablement à la transformation et la modernisation du chalet, l’harmonie de cette maison lui doit beaucoup !
Puis enfin c’est Odile qui hérite de ce chalet, elle qui est peut-être la plus attachée à cette maison, cette région et ces montagnes pour y avoir vécue toute jeune puis toutes ses vacances sans aucune interruption.